Témoignage d'Ana sur le mouvement interrompu

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Je viens de lire ton dernier article sur le blog. Que dire, sinon qu'au fur et à mesure de la description de
Bert  Hellinger que tu nous partages,  j'ai reconnu présent chez moi cette  symptomatique.

D'abord, cette colère permanente, enfouie, ensevelie, non exprimée,  mais prête à resurgir à toute occasion, à chaque instant. Cette colère qui occulte une immense douleur, qui pourrait être  représentée par un immense cri de détresse, celui de me sentir seule,  sans êtres vivants autour de moi, celui de la peur de mourir, de ne 
pas être vue, de ne pas exister. Une détresse empreinte de panique. Ce cri contient et la colère et la peur panique. Et il est maintenu à  l'intérieur, empêché de sortir, lié par une honte de vouloir quelque  chose.

De prendre conscience de ça, me permet de commencer à voir qu'il n'y a  pas de honte à demander.
Et cela m'amène à ce qui serait le plus "dur" à réaliser pour moi dans  ce partage : dire "s'il te plaît maman".
Deux choses se produisent chez moi, rien qu'à l'idée :

La première, c'est comme un gouffre, comme si le fait de dire s'il te  plaît, c'est demander et qu'à la formulation de cette demande, je me  soumets, avec cette impression "d'être à la merci de", d'être  totalement impuissante et d'accepter  "que la vie ne me reconnaisse  pas", que mon destin est dans les mains de quelqu'un d'autre, avec une  peur d'envahissement.

Et cela amène la deuxième : un espèce d'élan de recul, de refus au travers de paroles: "ah! ça jamais", avec quelque chose comme "plutôt  mourir", auquel s'ensuit comme un renfrognement, un endurcissement, un entêtement, un enfermement.

Et cela me fait voir que je choisis " de mourir" plutôt que de "prendre  le risque de mourir". Quelle est la différence?  je meurs de toute façon !

Et en disant cela, je reconnais en moi cette "dépression permanente"  qui s'oppose à une joie de vivre, d'exister.
Je peux très bien voir chez moi d'un côté, cet élan vers la non- existence, dans un espèce de "noman's land" où seul subsiste mon monde idéal, avec mes rêves d'idéaux, où les portes ont des clés nommées: "à  quoi bon", "de toutes façons, qu'est-ce qu'il y réellement à faire, hein? tout le monde s'en fout" qui m'assurent de ne pas revenir dans  le monde humain.

Et de l'autre côté, cet élan de vie, de joie de vivre qui peut me  propulser dans des actions justes, des actions vivifiantes, sans  peurs, sans hontes, où il n'y a aucune de ces questions, aucun de ces  doutes, aucun de ces reproches, tout simplement exister et être la Vie.

Pour tout ce que je viens de partager, merci de m'avoir permis de  diriger mon attention sur ces identités que j'ai en moi; encore un peu  de compréhension gagnée, d'espace reconquit; il en subsiste une impression d'humilité et de compassion pour cette petite fille triste qui s'est battue comme une lionne pour sa survie, même si cela devait passer par la mort de ce qu'elle voulait être.


Commentaire de Christiane

Merci pour ce partage très édifiant et touchant sur les états d'âme qu'éprouve tout enfant qui  ne peut plus aller vers sa mère ou son parent référent.  Récemment lors de la restauration d'un mouvement interrompu, lorsque j'ai proposé à la personne de dire "je voulais mourir", la première réaction fut une hésitation  comme, quand même c'est trop fort  !!! Et puis en le disant, elle a réalisé combien c'était juste pour elle et pour la petite fille  qui avait perdu sa mère. "Oui, c'est çà" dit-elle soulagée que cela soit enfin reconnu, mis au grand jour.

Concernant ce  qui se passe avec la demande "s'il te plaît", effectivement,  cela fait ressentir  l'impuissance et la dépendance absolue, physique et affective que vit le bébé dans les premiers mois de son existence. Et c'est pour cela que certaines personnes résistent ou tentent d'échapper à cette restauration de l'élan interrompu qui réactualise des émotions comme la panique, le renoncement, la tristesse, un profond désarroi. Elles craignent de  ne pas pouvoir "survivre à nouveau" à ce déluge émotionnel qui a laissé comme une béance,  elles craignent de ne pas pouvoir gérer cette immense douleur. 
La différence réside dans le fait que l'enfant subit  ces traumatismes et n'a pas les moyens de les analyser, de les confronter alors que l'adulte,  sur un chemin de co-naissance, a choisi de terminer une expérience traumatique du passé pour laquelle il est accompagné.  C'est passer d'une souffrance subie à une souffrance active ce qui libère et permet de  revenir dans le temps présent.
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