À propos du deuil d'un parent

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Extrait du commentaire de Jacqueline
suite à l'article l'enfant sauveur face à son parent âgé

Oui, mais à l'inverse comment faire le deuil de ses parents disparus quand on a le sentiment de ne pas être allé jusqu'au bout d'un accompagnement. je vivais à 500 km de chez eux et je pense que si j'avais étais plus présente, ils auraient eu une fin de vie plus sereine.



Réponse de Christiane

Faire le deuil de ses parents ou d'un être cher est  un long chemin (Freud parlait du "travail de deuil") qui dépend  de la façon dont nous avons été nourris, remplis par eux, dont nous les avons pris en nous et des cycles qui restent à clore. Cela nécessite un an à un an et demi pour faire le deuil, en principe.
Faire le deuil, c'est apprivoiser le manque de l'autre.
Faire le deuil est un travail  pendant lequel la réalité de cette séparation définitive est intégrée ainsi que l'image de la personne décédée, ce qui permet de maintenir un lien au-delà de l'absence.

Perdre une personne chère, c'est comme mourir  à des parties de soi-même. La mort fige et  arrête le temps. Et plus le lien est intense, important, plus nous nous heurtons à l'indicible. Nous voyons cela dans les constellations :
  • Une mère est "partie" avec son enfant mort, ne voyant plus ses autres enfants, son conjoint. Son attention est ailleurs, avec l'enfant. Elle est plus morte que vivante.
  • Une femme dont le bien-aimé est mort dans un accident, à la guerre, de maladie s'arrête d'exister ; certes elle est là, physiquement, si elle a des enfants, un métier mais en même temps, elle vit dans le passé, absente  affectivement, psychiquement ; elle "vivote" car une partie de ses unités de vie sont mortes avec le compagnon.
Épreuve à laquelle nous sommes le moins préparés. Épreuve qui bouleverse. Epreuve qui déchire. Épreuve qui ravive les blessures de séparation, d'abandon et qui engendre une détresse totale. L'élan vital qu'éprouve le petit enfant vers l'objet de son amour est alors brusquement interrompu si Papa ou Maman décèdent. L'enfant se heurte alors à une béance.

Faire le deuil d'une personne aimée, c'est se trouver confronter à des sentiments de vide, de désarroi, d'impuissance, de colère, de tristesse, de peur. C'est parfois éprouver que plus rien ne vaut la peine d'être vécu. Il n'y a pas de deuil sans souffrances. Et quand il est difficle de faire face à cette dure réalité, quand les survivants ne peuvent  gérer l'inacceptable, quand la personne disparue est occultée, cela va créer un "trou", un "vide" dans le système qui sera comblé  ensuite par les derniers arrivés que sont les enfants. Ce sera le terreau des identifications, des loyautés invisibles et négatives. Le destin d'un grand père ou les sentiments d'une grand mère seront vécus, adoptés afin de les re-présenter=que ces personnes soient à nouveau présentes dans le clan.

C'est aussi réactiver la culpabilité du petit enfant qui aurait voulu sauver son parent ou qui aurait préféré mourir à sa place. Certaines adultes disent avec culpabilité, détresse "si j'avais été là, ma mère serait morte un peu plus tard, si j'avais fait attention à ce symptôme, j'aurais pu prévenir le médecin, si j'avais été plus près". Ils auraient aimé faire mieux voire éviter la mort du parent, reculer l'irréversible. Si ces sentiments sont légitimes, ils peuvent être comme si des résurgences de pensée magique.  L'enfant ne prend conscience de l'irrésversibilité de la mort qu'autour de 6/7 ans. Avant cet âge, cela n'a pas de réalité pour le petit enfant , la mort est réversible et la frontière entre existence-mort est floue. L'enfant pense que c'est comme dans les jeux, aujourd'hui, il est vivant et demain et même dans quelques minuites, il est mort.
 
Perdre ses parents, c'est se retrouver orphelins pour un petit enfant mais aussi pour un adulte. La mort est un abandon. C'est perdre ceux qui étaient là pour nous protéger, y compris de la mort.  C'est se retrouver  confronter à  sa propre mort.

Faire le deuil de ses parents, c' est parfois  le moment de réaliser tout ce que représentaient les parents. Pourtant, d'autres, ceux qui n'ont pu réglé leurs conflits avec les parents, n'ont pu se détacher psychiquement,  ne trouvent la paix qu'à ce moment-là. l
Perdre ses parents, c'est aussi faire le deuil des parents idéalisés, que nous n'avons jamais eus et que nous n'aurons plus jamais ; il faut un certain temps pour réaliser que si la mort sépare sur le plan physique, sur le plan de l'esprit, de la conscience, nous pouvons nourrir ce lien et encore le restaurer si besoin est. Car nos parents sont touijours avec nous, en nous, dans une forme virtuelle. La mort ne pourrait être qu'un changement d'état.

Cette perte va aussi réactiver d'autres pertes, celles que le petit enfant a éprouvées dans son enfance et contre lesquelles il a dû lutter. Car notre existence sur terre est une suite de fusions et de séparations. C'est atteindre et se retirer, c'est s'attacher et se détacher, c'est partir et revenir. Et tout notre processus de grandir, de maturation n'est qu'une longue suite d'abandons, de deuils ; pour découvrir le monde, ne faut-il pas que l'enfant quitte le cocon familial ?! Et le deuil nous pousse ainsi à la transformation, vers plus d'autonomie, de maturité. Il oblige à  trouver de nouvelles stratégies de survie qui font que la perte prend sens, devient acceptable, rend même plus forts pour certains.

Qu'auriez vous aimer faire pour eux ? Qu'auriez vous aimer dire ? Comment leur avez vous dit au revoir ? Ressentez vous de la culpabilité à n'avoir pas pu les accompagner d'une manière plus proche et qu'est ce qui vous fait penser qu'ils auraient eu une fin de vie plus sereine ? Qui parle d'ailleurs à ce moment là ? La femme adulte ou la petite fille qui aurait tant voulu leur rendre la vie sereine ? Observer bien.

Et voici quelques pistes pour faciliter ce processus de deuil :

  • Écrire ce qui n'a pas pu être dit, partagé.
  • Remercier et honorer ses parents pour tout le bon reçu, pour le simple fait d'être vivant ; dire ses sentiments positifs, l'amour éprouvé, rappeler des moments positifs vécus ensemble
  • Dire aussi les ressentiments, ce qui a été difficile à vivre, ce qui a été négatif
  • Restituer les loyautés, les fardeaux "je te laisse ta souffrance ou ta tristesse, je ne suis que ton enfant et tu es ma mère/mon père et je ne peux porter cela à ta place"
Vous pouvez aussi visualiser le parent devant vous et lui dire ce qui est important pour vous et observez bien ce que cela vous fait et ce que cela fait à votre parent.

Le deuil peut aussi être accompagné par une thérapie ou une constellation qui permettra de dénouer des situations restées en suspens. Il y a un temps de deuil normal, nécessaire où il est important de respecter le rythme de la personne afin de ne pas la priver de tout ce cheminement intérieur.

Christiane Perreau


"J'ai pendant un an rendu visite à mon père dans la maison où sa mémoire jour après jour rétrécissait comme une buée sur du verre, au toucher du soleil. Il ne me reconnaissait pas toujours et cela n'avait pas d'importance. Je savais bien, moi, qu'il était mon père. Il pouvait se permettre de l'oublier. Il y a parfois entre 2 personnes un lien si profond qu'il continue à vivre même quand l'un des deux ne sait plus le voir. "

 Resssusciter 2001 Christian Bobin

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