Pratique de la constellation

Publié le par Christiane Perreau

Une constellation se fait en principe  dans un groupe d’une quinzaine de personnes, assis en rond, délimitant ainsi un espace au sein duquel la constellation se déroulera. Si le groupe est important, cela augmente le champ de présence, c’est à dire d’attention. Dans ce groupe, des personnes vont faire leur constellation que nous appelons constellants ou clients et d’autres seront observateurs et/ou représentants.

La personne qui souhaite clarifier une partie de son histoire familiale vient s’asseoir à la droite de l’animateur ou faciliteur ; c’est le client qui est au centre du processus et c’est pourquoi  cette place lui revient ; le faciliteur est juste là pour accompagner et donner un contenant sécuritaire au processus. Ce premier placement est déjà une constellation. Puis, le client pose sa demande qu’il est parfois nécessaire de clarifier afin que l’objectif soit bien défini. Des questions  du genre suivant vont être observées :

  • je ne me sens pas à ma place  dans la vie
  • j’ai du mal à établir une relation de couple
  • j’ai des relations difficiles  avec ma mère 
  • j’aimerais améliorer ma communication avec mes enfants
  • je ne me sens pas reconnue par mon père
  • j’ai une colère en moi que je ne comprends pas
  • je me sens vide et déprimée...
  • j’ai peur de la séparation
  • j’ai honte de gagner de l’argent
  • j’ai un cancer
  • j’aimerais mieux vivre mon handicap
  • je crois que apprendre est dangereux
  • je ne peux gagner ma vie


Ces demandes  doivent relever de la systémie, c’est à dire des interactions des individus au sein de leur groupe ; toutes nos difficultés existentielles ne sont pas systémiques et certaines répondent plus à un travail psychothérapeutique classique ou de clarification des émotions. La constellation traite essentiellement les difficultés que l’individu rencontre dans son système, qu’il soit familial, corporel, administratif, professionnel.

La demande doit être déterminée par une intention authentique de comprendre l’origine des difficultés rencontrées, d’apaiser quelque chose pour soi, en relation avec le système. On ne fait pas sa constellation pour aller voir ce qui a pu se passer dans sa famille, par curiosité. C’est un processus profond qui requiert une grande implication et qui bouleverse nos croyances, nos modes de fonctionnement et nous met face à nos responsabilités, nos choix.

Souvent  les prises conscience s’accompagnent d’un  sentiment de désillusion. Tout d’un coup la personne a l’impression d’avoir gâché une partie de son existence,  pour rien.  Elle réalise qu’elle a dirigé son existence sur de fausses croyances comme celles de pouvoir sauver papa de la mort, prendre la maladie du petit frère, réparer les séquelles d’une maman handicapée, expier pour un infanticide commis par une arrière grand mère. Tout cela relève de la pensée magique du petit enfant, d’une chimère et d’une incapacité à faire face à l’ingérable, l’insupportable. Et c’est seulement à partir de la confrontation avec ce qui est, les événements perturbants que la personne peut prendre conscience qu’il s’agissait de fausses croyances. Ce processus peut s’avèrer douloureux, déstabilisant, bien qu’ il soit fort libérateur.

Le praticien posera quelques questions afin de cerner les événements qui ont perturbé  la famille (voir article les événements perturbants) et qui  la compose.  Dans cette approche, le comportement et les traits de caractère des personnes ne sont pas pris en compte.  Cela ne faciliterait en rien la recherche d’une solution, bien  au contraire. Cela ajouterait de la confusion et pourrait influencer les représentants.  Il est important de partir des faits marquants.

Si le client se montre critique ou porte des jugements sur le comportement d’un parent ou interprète les faits, l’animateur l’invitera à revenir sur les faits. Toute critique représente une forme d’exclusion alors que l’intention de la constellation est d’inclure ce qui a été oublié, renié, exclu. En effet, la constellation  montre que pour  se sentir entier, nous avons besoin d’avoir conscience de tous ceux qui appartiennent à notre système.

À partir de ces informations le praticien va inviter la personne à choisir dans l’assistance des personnes pour représenter les membres de la famille ou du système que nous voulons observer. C’est le faciliteur qui décide des personnes à placer, tout en ayant l’accord du constellant. Le faciliteur choisit également  si le travail concerne d’abord  le système d’origine ou le système actuel. Le client choisit également quelqu’un pour le représenter. Il est préférable de commencer la constellation avec un minimum de personnes afin d’obtenir une image claire des perturbations qui régissent le système.

Une fois les personnes choisies,  le constellant va se centrer et s’appuyer sur ses perceptions pour donner à chacun une place dans l’espace avec  une orientation, en le conduisant par les épaules, lentement, à un endroit précis ce qui rend visible les relations établies entre les membres de la famille ou du système. La  place n’est pas attribuée  selon des plans ou idées longuement réfléchis. En fait, il suffit d’ extérioriser l’image  portée intérieurement  et qui est inconsciente pour le moment. Aucune information, aucune attitude n’est donnée aux représentants, ce qui pourrait les influencer et rendre la constellation moins crédible.

Ainsi les représentants seront le temps de la constellation au service du constellant et de sa famille. Les représentants peuvent figurer aussi bien des membres vivants que des décédés,  ceux-ci  restants influents tant que quelqu’un se souvient d’eux, voire plus si des événements tragiques ont eu lieu. Ils peuvent aussi représenter un concept comme l’amour, l’ordre, la connaissance, la sagesse ou bien un secret, ce que nous ne savons pas ou encore un obstacle voire un pays, un peuple.

Les représentants vont alors être habités par des mouvements, des émotions, des attitudes, des sensations qui appartiennent aux personnes, au système qu’ils représentent. Par exemple,  certains vont se balancer d’avant en arrière ou auront envie de se coucher, d’autres fixeront leur regard sur le sol ou vers l’extérieur. D’autres vont éprouver du chagrin ou de la colère ou seront attirés par telle personne. Certains peuvent même éprouver des symptômes physiques de la personne qu’ils représentent : mal au coeur, difficultés respiratoires, démangeaisons, douleurs physiques par exemple. Cela dure le temps de la constellation  et appartient au système placé (voir articles sur les représentants). Tout le monde peut être représentant ; il n ‘y a pas besoin d’ aptitudes particulières. Nous sommes la Vie et c’est la Vie qui ressent.

Si la place est trop difficile, une fois les informations recueillies, le praticien invitera   la personne à faire un pas sur le côté.

La place attribuée, l’orientation donnée à chacun ainsi que les réactions et retours que le praticien va recueillir vont  indiquer quelles sont les intrications  et  qui est concerné.  Le praticien verra alors si d’autres membres  du système doivent être introduits, notamment parmi les exclus, oubliés (comme un enfant avorté dont le client a oublié de parler ou un grand père mort jeune à la guerre ou une fiancée reniée...).

Dans cette première phase de la constellation,  nous pouvons prendre conscience de ce qui ne va pas ; nous allons même grossir cela pour que le client conscientise ce qui crée du désordre ;  par exemple en faisant dire à un enfant identifié à son  père  mort prématurément “Papa je te suis dans la mort.” Cela va agir comme un électrochoc et révéler ce qui était invisible et inconscient jusque là. Tout d’un coup la personne réalise ce qui conditionne son existence et la piège dans des schémas destructeurs.

Puis, le faciliteur va modifier peu à peu la place de chacun, pour évoluer vers une résolution qui est plutôt une direction vers laquelle le client peut aller pour être  soulagé et apte à retrouver sa capacité à choisir. Cette direction est un point de vue nouveau qui va orienter l’attention de la personne vers des stratégies nouvelles.


Les représentants expriment leur vécu au fur et à mesure de l’évolution de la constellation, sans analyser ni interpréter les faits. L’animateur  modifiera les places au cours de travail afin de trouver ce qui met de l’ordre dans le système, dans le respect de chacun. 


Des “phrases libératrices”, symboliques sont proposées par le faciliteur en vue de dénouer les identifications, de restituer les responsabilités,   de reconnaître la place de chacun, de rendre hommage à ceux qui n’étaient  pas vus. Ces phrases sont des propositions et il est important que les représentants et le client se sentent en accord avec ces phrases qui doivent être vivantes. Sinon, cela va entraver le processus de résolution. Un mot juste a le pouvoir d’amener une prise de conscience, une transformation. Ainsi, dire à son parent “je suis enragé après toi” ou “j’ai de la haine pour toi” produit des effets très différents que  “je suis en colère”. Plus l’émotion, l’impression, les sensations sont nommées avec exactitude, plus ce sera libérateur.

Ces phrases proposées par le faciliteur émergent du champ de force qu’est le système qui est  un champ d’informations. C’est le fait d’être très attentif à tout ce qui se passe, en accord avec ce qui se montre, en empathie avec ce qui est qui dicte les phrases. Bien sûr, la connaissance des lois qui gouvernent l’ordre dans les systèmes et l’ expérience jouent un rôle et font prononcer telle phrase plutôt que telle autre. Mais, c’est fondamentalement un état de distance et d’union avec ce qui est qui permet de comprendre et donc de nommer ce qui se passe.

Certains rituels simples sont aussi proposés comme s’incliner devant ses parents, donner une bénédiction à un enfant  ; il ne s’agit pas là de gestes religieux ni de soumission mais de gestes de respect, de reconnaissance pour ceux qui nous ont transmis la vie et qui relient profondément à la vie. Parfois, un représentant résiste à dire à son père maltraitant  “tu resteras toujours mon père malgré ce que tu as fait” ; l’inviter à s’incliner permettra de court-circuiter cet obstacle et la plupart du temps, la personne s’en trouvera fort apaisée. Ou recevoir la bénédiction d’une arrière grand mère morte en couches ou de maladie, c’est comme une invitation à arrêter la malédiction pour vivre son propre destin.

La personne  qui  a mis sa constellation en place  est  spectateur/observateur au début du travail et peut ainsi constater les changements de positions et de sentiments des représentants. Cela lui permet de prendre une distance par rapport aux intrications et souffrances jusqu’ici non confrontées. Elle  va réintègrer sa place vers la fin de la constellation, lorsqu’elle aura vu les identifications dont elle était l’objet et qu’elle peut maintenant  se décoller, laisser la peine, la mort, la tristesse à ceux à qui cela appartient.

La constellation sera arrêtée quand chacun se sentira  soulagé, à sa place et que l’intention (sauver l’autre, mourir à la place d’un parent) est mise à jour.  La personne  repartira  alors avec  des prises de conscience, une compréhension de ce qui lui cause de la souffrance et une image positive qui est un peu comme un nouveau programme à installer dans son ordinateur, qu'est son univers personnel.


Plus la personne pourra intégrer le processus, plus celui-ci aura un impact dans son quotidien et cela peut même avoir des effets pendant 2/3 ans. Pour mieux ancrer ce travail, le client peut le visualiser ou le dessiner, surtout dans les 15 jours qui suivent le travail. Il peut aussi profiter des toutes les informations recueillies pour aller explorer des zones inconnues jusque là de son histoire avec une autre approche.

Et  même si les images négatives peuvent ressurgir, elles perdent peu à peu de leur impact. L’image positive est là  et transforme parce qu’elle remet de l’ordre dans le système et l’amour peut y circuler plus  librement.


Christiane Perreau

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