Thèmes de constellations issus de la pratique (1ère partie)
Voici quelques sujets traités récemment en constellations familiales et systémiques et qui ne sont pas exhaustifs ; ils montrent quelques facettes des possibilités de travail avec les constellations ; le placement donne accès rapidement à des informations inconnues jusque-là ce qui permet à une personne bloquée dans un point de vue, une situation d’ élargir son champ de compréhension et d’action.
Dans une situation de conflits, submergés par la douleur, les émotions ingérables, l’incompréhension, nous focalisons notre attention pour trouver une issue, c’est-à-dire survivre à cet incident et ne plus souffrir dans cet instant-là. Cela est d’autant plus crucial que nous sommes jeunes, dépendants d’autrui tant affectivement que physiquement, comme le sont les petits enfants. Pour cela, nous utilisons le premier mode de survie qu’est le refoulement avec les mises à distance, l’oubli, le déni, le retrait.
Au lieu de faire face à la réalité qui se montre, nous en créons une autre à partir de nos perceptions et interprétations. Et nous décrétons que cette réalité est « la vérité vraie » et nous oublions que nous sommes les auteurs de ces « vérités », qui ne sont que des réalités transitoires comme disent les bouddhistes. Nous oublions que ces réalités sont construites à partir de subjectif (nos considérations et croyances du moment) et non d’objectif.
C’est ainsi que des postulats et décisions pris dans notre petite enfance lors d’incidents traumatiques, comme « naître, c’est mourir », « je dois protéger ma mère, ma tante », « il vaut mieux ne pas voir pour survivre » deviennent réels. Ces décisions déterminent nos expériences existentielles pour de nombreuses années. Ces réalités ne sont révisées que lors d’un travail profond sur nous-mêmes où nous mettons à jour ces croyances créatrices de réalités indésirables (stérilité, sacrifice de soi, expériences de couple difficiles, maladies, handicaps, etc.). Sinon elles fonctionnent au quotidien et nous les expérimentons, les vérifions, ce qui les rend encore plus « vraies » et nous oublions et ignorons que c’est nous, par nos croyances qui avons causé et causons de telles expériences.
La constellation rend visibles ces croyances bien cachées qui oeuvrent à notre insu, dans notre existence et nous privent de notre capacité à choisir. Ce sont des programmes qui fonctionnent seuls, exactement comme les programmes de nos ordinateurs et ces programmes automatiques font de nous des personnalités étriquées, figées dans certains types de comportements, de schémas, de structures, incapables de voir, concevoir et vivre une autre réalité.
En constellation, il y a 3 programmes essentiels que nous avons pour objectif de découvrir ; ils sont opérationnels chez tout être humain et nous les résumons à :
1. je te suis dans la mort, la maladie, ton destin douloureux
2. je fais à ta place, je suis malade à ta place, je pars à ta place
3. j’expie une de mes fautes ou celle d’un ancêtre.
La constellation nous donne à voir, à comprendre, à penser plus large, autrement, différent. Elle inclut « mes » réalités et celles des autres, de la famille, du groupe, du pays. C’est l’émergence d’autres points de vue qui vont nous permettre de sortir de nos constructions mentales habituelles, de nos idées fixes, facilitant ainsi de nouvelles conceptions de l’existence et un changement positif dans notre histoire.
Dans les exemples ci-dessous, les prénoms ont été changés afin de préserver la confidentialité du travail. La demande de la personne et son contexte sont brièvement exposés ainsi que les compréhensions, les prises de conscience, les points de vue nouveaux.
Les abréviations suivantes ont été utilisées :
1. AGMM = arrière grand mère maternelle
2. GMM = grand mère maternelle
Marie, sortir de la dépendance à l’alcool et aux drogues et arrêter les répétitions de la lignée féminine
· Les destins de ces femmessont chargés de tristesse, d’impossibilité à vivre heureuse ; la mère de Marie est alcoolique, sa grande mère maternelle est morte à 35 ans.
· La constellation nous montre que l’arrière grand mère a eu un destin particulièrement lourd avec des pulsions destructrices vis-à-vis de ses enfants. Il n’y a aucun lien entre l’AGMM et la GMM qui porte le fardeau de sa mère au point d’en devenir dépendante : elle ne peut exister sans cela et ne veut pas restituer à sa propre mère le fardeau qui lui appartient, alors que celle-ci est d’accord de le reprendre.
· Marie, qui n’a pu prendre sa mère, est très identifiée à sa grand mère (je te suis dans la mort) et à sa mère (je te suis fidèle en étant comme toi alcoolique). À défaut de pouvoir goûter à l’ivresse d’un lien maternel nourrissant, Marie expérimente l’ivresse que lui procure l’alcool et les drogues.
· Dénouement : Marie se retire de la dynamique de vouloir suivre sa GMM dans la mort et décide de rester en vie. Elle prend conscience que plus elle refuse sa mère, plus elle est dépendante et que le potentiel d’amour n’a pu s’exprimer car sa lignée a connu trop de dangers, de douleurs. L’amour était là, mais bloqué, en devenir. En reconnaissant la souffrance de ces femmes, en restituant à chacune ce qui lui appartient, quelque chose s’allège et l’amour peut se dire et circuler à nouveau.
Chantal, clarifier les liens établis avec ses 2 filles pour leur rendre leur autonomie
· Chantal a élevé ses filles seule, après un divorce
· La constellation du système actuel montre que Chantal ne peut lâcher ses filles qui sont devenues son soutien ; sa fille cadette a peur de laisser sa mère alors qu’elle aimerait vivre sa propre vie.
· Nous allons voir les points de blocage dans le système d’origine de Chantal en introduisant les parents de Chantal ; cela met en évidence que Chantal a été l’objet de son père et n’a reçu aucun soutien ni de son père ni de sa mère ; elle comble donc son manque affectif avec ses filles. C’est ce que nous appelons une parentification : l’enfant devient le parent de son parent dont les besoins primaires, vitaux n’ont pu être comblés par ses propres parents.
· Un autre élément émerge du placement : la mère de Chantal a avorté de 2 enfants et Chantal les suit dans la non-existence. Elle est bien avec eux, collés à eux.
· Dénouement : Chantal comprend pourquoi elle a tant de mal à exister, à prendre sa place, à se sentir vivante. Elle est identifiée à ses frères non-nés et laisser partir ses filles, c’est trop dangereux ; cela lui réactive trop l’absence de ses frères. Nous entamons un processus de désidentification où elle est amenée à affirmer dans un premier temps à ses frères, puis à chaque participant « je reste en vie». Cela permet de prendre conscience des résistances à aller dans le sens de vivre et prendre sa place dans l’existence. Ainsi levons-nous les contre intentions jusqu’à ce que le client ressente en lui « je reste en vie ». C’est devenu réel pour lui, ce n’est plus une idée, c’est une expérience intérieure.
· Elle réalise également que ce qui la lie à son père est la haine. Nous amènerons le père à prendre responsabilité pour le tort qu’il a fait tant à sa fille qu’à sa femme, en les dominant. Chantal peut enfin exprimer sa haine et dire combien elle aurait eu besoin de soutien et d’attention. En donnant du soutien au père, celui-ci peut sincèrement exprimer ses regrets : « je t’ai fait du mal et je n’en étais pas conscient ; je le regrette et maintenant je vois combien cela t’a blessée ; je suis profondément désolé ». Et un lien et une reconnaissance entre Chantal et son père peuvent se faire.
· Les filles de Chantal sont soulagées ; la plus jeune se sent allégée d’un poids et Chantal peut les laisser partir, elle est libre. Elles sont libres tout en étant reliées et non liées par des fidélités inconscientes et invisibles.
Bref commentaire sur la haine
La haine se différencie de la colère parce qu’elle contient l’envie de détruire. Il existe un lien puissant entre celui qui éprouve cette émotion et son objet. La haine enchaîne. C’est une émotion qui est causée par une grande blessure où il y a rupture vers l’objet d’amour. Le parent est absent, indisponible, incapable de répondre aux besoins vitaux du nourrisson ou du petit enfant. La constellation va mettre en évidence les circonstances qui ont amené ces comportements et le client accédera à une compréhension du vécu de son père, de sa mère et pourra restaurer le lien, là où il avait été interrompu. Et il sera important aussi de lui permettre d’exprimer cette émotion légitime, sans jugement.
Commentaire sur le cadre de ce travail
Ces 2 cas ont fait l’objet de 2 placements durant un séminaire de 3 jours ; pendant les 2 premiers jours chacun a fait sa constellation et le dernier jour, nous avons réduit plus profondément le stress lié aux thèmes apparus lors du premier travail. Cette façon de procéder permet de clarifier d’une façon plus profondes les liens qui entravent et fixent la personne dans un point de vue limité. Cela donne accès à des causes fondamentales qui sont sources de désordre, de dysfonctionnement dans un système et chez une personne et rend ainsi le processus puissant.
Christiane Perreau
(à suivre)