La balle d'or de Bömes von Münchhausen
Nous avons vu comment le flux d'amour, d'énergie qui vient de nos ancêtres vers nous, les derniers nés, peut être inversé, notamment par cette dynamique de parentification. Nous pouvons comprendre que c'est une question de survie qui amène chacun à contribuer au désordre de son système.
Il n'y a pas de parents parfaits, il y a des parents qui apprennent leur "métier" de parents avec les moyens émotionnels, psychiques, sociaux, culturels dont ils disposent à un moment donné. Nous sommes des Êtres et nous sommes fondamentalement amour ; si nous pouvions ne pas transmettre de souffrance, nous le ferions... Vous avez certainement assisté au dénouement d'une constellation et observé le soulagement et même l'affinité que ressent une famille où chacun est à sa place, où les causes d'exclusion sont désactivées, où les ancêtres sont heureux que leurs descendants vivent pleinement leur propre existence. Personne ne veut qu'un autre souffre à sa place. Personne ne veut ajouter consciemment du malheur au malheur. Mais rare sont les sytèmes qui ont pu intégrer leurs traumatismes, leurs dysfonctionnements. Le refoulement, la résistance, le déni, les projections permettent à chacun de survivre tant bien que mal. Ainsi accumulons-nous de la souffrance sur plusieurs générations.
Dans de telles conditions, il est difficile d'éviter certaines douleurs à un enfant qui n'est qu'une "éponge", percevant ce que sa mère, son père ressentent, ce que son système vit ou a vécu comme douleurs. Comment lui éviter ces processus d'identifications alors que le propre d'un Être, d'un enfant est d'apprendre par identification ? Comment lui éviter de ne pas être pris dans ce moule qu'est une famille, un clan, une société ? il semblerait que ce soit un passage inévitable eu égard à notre niveau de conscience actuel.
L'enfant croit qu'en se sacrifiant pour ses parents, son clan, il fait preuve d'amour. Certes c'est un amour inconditionnel mais aveugle et inconscient. C'est un amour qui rend malade et nourrit l'inconscience, la souffrance, nous privant de notre libre-arbitre.
C'est un amour qui lie à la haine, un amour qui attache au lieu de libérer, un amour qui divise au lieu d'unir, un amour dépendance qui donne bonne conscience mais nous exile du Soi, de la Conscience que nous sommes. La Conscience-amour se dénature en un amour douloureux. Ce qu'elle est fondamentalement devient un quelque chose.
Mais il y a une autre façon d'appartenir à son clan, de faire croître l'amour pour soi, pour son système, pour la grande famille des êtres humains : en devenant CONSCIENTS.
C'est la seule chose que nous puissions faire pour transmuter ce que nous avons refoulé et qui nous conditionne. Nous avons le pouvoir de transformer notre "monde", c'est à dire les représentations des souffrances que nous avons eues. C'est possible en complétant dans le temps présent ces expériences intolérables que nous avons bloquées ; grâce à un cadre sécuritaire, nous nous autoriserons à ressentir pleinement la douleur contenue et nous pourrons mettre en mots ce qui n'a pu être exprimé, pensé, tellement c'était hors de notre réalité du moment.
Nous ne pouvons changer l'autre, nous ne pouvons changer les circonstances du passé avec ces souffrances bien réelles que sont la mort d'un enfant, le suicide d'un parent, la maltraitance ou l'abus sexuel mais nous pouvons modifier les représentations, les considérations que nous en avons et que nous avons érigées en vérités absolues. Le bébé choqué, l'enfant meurtri n'ont pas pu acquérir d'autres représentations que celles qu'ils ont mis en place dans la souffrance, construisant ainsi leur prison. Mais ce ne sont que des réalités transitoires comme disent les bouddistes et la Conscience que nous sommes - "bébés magiciens"- a les aptitudes à les transformer, en observant, en comprenant, en empathisant avec celles-ci. Ainsi pourrons-nous rétablir cet équilibre entre parents et enfants où ce sont les anciens qui donnent aux plus jeunes..... et dire avec Bömes von Münchhausen
L’amour que je reçus de mon père
Je n’en ai pas assez fait cas,
Car je n’ai pas dans ma jeunesse su apprécier le prix du don
Et fis comme les hommes font,
et devins un homme fort,
Et voilà qu’un fils m’est donné et cet amour si fort
Qui en père me transforme
Me fait rendre ce qu’autrefois je reçus
A celui qui ne me donna et ne me rendra rien.
Car, lorsque devenu homme, pensant, comme pensent les hommes
Il ira, tout comme je le fis, son chemin
Nostalgique, je verrai sans envie
Que ce qu’il me doit, il le donne à son fils.
Dans l’espace du temps que parcourt mon regard,
J’observe heureux et paisible le jeu de la vie,
Chacun lance en souriant au suivant la balle d’or
Et personne encore ne l’a rendue au précédent.
Christiane Perreau