À propos de développement personnel
Voici un échange de points de vue avec une lectrice en bleu - réponses de christiane en rouge- qui pourrait répondre à certaines de vos questions. si vous souhaitez donner votre point de vue, merci de le faire en l'adressant à jenous@free.fr.
Je veux bien que l'on se sente responsable de notre vie, de notre lien avec la "famille" mais les gens qui sont les plus en souffrance, selon la pyramide de Maslow, ont bien d'autres préoccupations que ce qui ressemble à de l'ésotérisme et du développement personnel. Faire un travail sur soi, se sentir responsable, considérer que l'on crée sa propre vie .....oui, bien sûr ! Je considère que le développement personnel est malgré tout une affaire de gens aisés et pour se sortir de son marasme, faire un travail de développement personnel est recommandé. Alors que faire ?
Christiane
il est évident que faire du développement personnel vient une fois les urgences et préoccupations de survie réglées ; nos grands parents n’ont pas eu cette opportunité et nos parents guère plus ; c’est un mouvement récent qui s’est amplifié avec l’amélioration de nos conditions de survie dans les années 70 et c’est donc une chance aujourd’hui d’avoir la possibilité de nous consacrer à un travail de transformation pour nous mêmes et pour les autres systèmes auxquels nous appartenons et avec lesquels nous sommes en inter-relations.
Par ailleurs, je ne considère pas le développement personnel ou toute démarche de connaissance de soi comme l’affaire de gens aisés ; j’ai l’expérience depuis plus de 25 ans de groupes thérapeutiques et spirituels et j’y ai rencontré et rencontrent encore des personnes de différentes couches sociales dont les moyens d’existence sont parfois très modestes mais qui ont choisi d’investir sur eux, qui souhaitent transformer leur souffrance et ne pas la transmettre à leurs descendants. J’ai même vu des gens empruntés pour faire des formations ou participer à des stages....
Je connais aussi de nombreux thérapeutes ou accompagnants toujours prêts à donner des facilitations financières aux personnes vraiment engagées et désireuses d’améliorer leurs conditions. Krisnamurti parlait de “révolution silencieuse” et il m’apparaît que ce soit la seule que nous puissions faire à notre niveau tant qu’il en est encore temps. Il se pourrait même que ce soit urgent ; peut être que dans quelques années nous ne puissions plus le faire. 1789, mai 68 ont eu lieu à des moments très précis où de nouvelles connaissances, philosophies émergeaient et je doute qu’ils puissent avoir lieu maintenant.
Que proposer à quelqu'un qui est réellement en souffrance, qui ne semble n'avoir aucune ouverture sur l'enjeu de soigner ses blessures émotionnelles, qui n'a pas de moyens financiers ?? lui dire qu'il est responsable de ce qui lui arrive ? Il y a des situations qui me semblent sans solutions. Il y a des situations où on peut lire à livre ouvert dans le "jeu de la vie" qui se trame, mais comment en faire prendre conscience à la personne qui se débat dans sa problématique ? Et que faire face à quelqu'un qui veut s'en sortir, qui met en place un certain nombre de choses, mais le blocage inconscient semble empêcher la personne d'avancer ?
Christiane
Pour qu’une personne comprenne l’importance et l’enjeu d’un travail sur soi, il est d’abord nécessaire de lui donner de l’information ; il lui faut un minimum comprendre que ses blessures émotionnelles ne sont pas une fatalité et qu’il y a des moyens et des personnes qui ont un savoir, un savoir-faire et un savoir-être pour gérer ces questions.
Ensuite il pourrait être intéressant que cette personne augmente certaines de ses aptitudes comme celle de confronter (faire face) à une situation au lieu de la fuir, de s’effondrer, subir ou riposter. Un travail qui permet de mieux gérer l'attention et de revenir dans le temps présent sera des plus précieux. Ensuite il est nécessaire d’y aller par étapes car tout ne peut être “guéri” du jour au lendemain. Le refoulement est le premier de nos moyens de survie et il verrouille particulièrement bien certaines blessures pour lesquelles un être a ressenti sa vie en danger.
Et s’il y a des blocages inconscients, il est nécessaire d’amener la personne à les reconnaître pour qu’elle prenne conscience qu’elle est dans un problème où elle veut une chose et son contraire ; il s’agira de clarifier avec elle ses importances, ses intentions afin qu’elle puisse choisir
Je trouve que les choses ne sont pas si simples que cela. Se responsabiliser n'est pas chose facile quand on est dans la tourmente de la vie. Je connais des personnes qui tournent en rond dans leur problème et tout discours reste au niveau intellectuel. Il me semble qu'il faille passer par l'intelligence du coeur pour vraiment guérir ses blessures et ce n'est pas donné à tout le monde. Par contre il est facile de se sentir coupable de ne pas y arriver, de se dire que l'on veut mais quand on voit que les choses de notre vie n'évoluent pas, on perd courage et foi.
Christiane
Les blessures que nous avons sont le fruit d’expériences traumatisantes que nous n’avons pas vécues pleinement parce qu’à ce moment-là, nous n’en avions pas les capacités ; nous y avons résisté, ce qui nous fixe dans un incident et des émotions qui nous transforment en confusion, douleurs qui nous font perdre notre intelligence. Car ces incidents non clos retiennent beaucoup de nos unités d’attention, donc unités de vie qui deviennent indisponibles à la création de notre temps présent, de notre propre destin. et je présume que beaucoup d'enfants de milieux défavorisés ont beaucoup de leur attention piègée dans des souffrances qu'ils ont subies et/ou dont ils ont été les témoins.
Pour dissoudre ces incidents traumatiques du passé, la rationalisation, les considérations mentales ne servent à rien ; il s’agit d’abord de passer à l’action si l’on en éprouve le besoin ; et cela consiste à faire face à ce qui est : traumatismes, problèmes, contrariétés (c’est d’ailleurs la première étape dans une constellation = mettre en évidence l’intrication afin que le constellant prenne conscience de ce qui perturbe son existence), et faire l’expérience des émotions, ressentis négatifs restés jusque là en suspens. Cela va réduire voire dissoudre la charge émotionnelle ; alors de la compréhension, des prises de conscience, de nouveaux points de vue jailliront. Des décisions, des croyances émises lors d’ incidents passés et toujours actives dans le présent pourront être actualisées, abandonnées.
Cela est la portée de toute personne désireuse de transformer son histoire et ses limites en joie à exister. Se sentir coupable de ne pas y arriver, se décourager sont là aussi des parties de nous issues de nos blessures d’enfant qui sont alors réactivées par nos échecs du temps présent. Ou ce sont des résistances au changement qui pourrait se produire. Un travail sur soi est long et douloureux ; il demande persévérance mais lorsqu’une personne commence à avoir du soulagement, à comprendre qu’elle est prisonnière
d'interprétations qu’elle a faites lors d’ incidents douloureux, elle retrouve son pouvoir d’autonomie. Alors elle devient certaine qu’il est possible de repousser les limites qu’elle s’est mises et ne perd pas la foi.
Quand un jeune est sous le joug de ses parents qui parlent à sa place, qui considèrent "qu'il ne pourra jamais, qu'il n'est pas fait pour cela, qu'il a toujours été comme ça" ...... et j'en entends de toute sorte, que dire au jeune pour qu'il prenne du recul face à tout ce qu'on lui met comme étiquette ? que faire pour qu'il se construise et prenne sa vie en main sans avoir à subir toute la lourdeur de la conscience familiale ?
Christiane
Il semble que nous ne puissions faire l’économie des programmes familiaux, sociaux, culturels ; nous sommes conditionnés depuis notre plus jeune enfance par un cadre de références qui constitue presque une seconde nature, une seconde peau qui fait que nous trouvons normal de vivre certaines conditions désagréables. Certains appellent cela la “normose”.
Il est évident que certains enfants issus de milieux très défavorisés sont plus pénalisés que d’autres et c’est fort regrettable ; et j’ai conscience que certaines personnes, dont les enseignants sont confrontées à des situations très désastreuses qui les laissent impuissantes, désarmées. Avant d’initier les enfants à certaines matières, il y aurait un réel besoin d’accompagnement par des gens formés à l’aide, à la communication, à l’écoute. Si le milieu éducatif pouvait transmettre certaines de ces connaissances, cela pourrait révolutionner la société mais ce n’est peut être pas dans les intentions des dirigeants qui préfèrent une population plus manipulable que responsable !!!
Et si nous autres adultes pouvions témoigner qu’il existe une façon d’écouter, de communiquer, de se respecter et de respecter l’autre, peut être cela donnerait-il aux enfants de l’élan à se prendre en mains, à devenir responsables d’eux mêmes !!!!