La femme enceinte et la dépression ou comment devenir mère
Divers auteurs ont décrit ce moment de mutation selon des termes différents, Benoît Bayle nous en rappelle les principaux (3) :
- DW Winnicott parle de la « préoccupation maternelle primaire » qui est un état d’hypersensibilité qui croît tout au long de la grossesse, au cours duquel « un des aspects de la personnalité de la mère prend temporairement le dessus », à la manière d’un épisode schizoïde, ce qui lui permet à la naissance de se « mettre à la place de son enfant et répondre à ses besoins ». Dans les semaines qui suivent la naissance, cet état régresse et la femme n’en garde presque aucun souvenir.
- Pour PC Racamier aussi, le processus de « maternalité » tend vers une modalité psychotique normale et réversible. Le psychisme de la femme se concentre sur le fœtus de manière narcissique et fusionnelle. Mais la mère a aussi tendance à se confondre, ou à confondre son propre corps portant le fœtus, avec le fœtus. A la naissance, la femme retrouve progressivement son fonctionnement psychique antérieur mais pour Racamier « c’est à cette condition, on le sait, que la mère peut réellement être pour l’enfant le moi qu’il n’ a pas encore, mais qu’il va construire justement sur les bases de cette relation. C’est aussi à cette condition que la femme est capable de pressentir les besoins et les états de son enfant. »
- Quant à Monique Bydlowski, elle décrit la « transparence psychique ». Il s’agit tout d’abord « d’un état d’appel à l’aide latent et quasi permanent » envers un référent. Et deuxièmement, les femmes semblent faire une corrélation entre la grossesse et leur propre enfance de manière privilégiée, ceci étant favorisé par l’hyperinvestissement narcissique du nouvel objet psychique qu’est l’enfant. Elles ont ainsi accès à des contenus inconscients habituellement refoulés. Elles revivent des conflits archaïques de leur propre enfance, notamment le conflit oedipien. Cela peut se dérouler plus ou moins facilement selon comment ces conflits ont été résolu dans le passé. Cette phase est nécessaire pour permettre l’identification de la future maman à sa propre mère. Ces remaniements psychiques normaux, peuvent parfois être à l’origine de symptômes dépressifs plus ou moins francs. La reviviscence d’évènements douloureux anciens depuis longtemps refoulés peut être vécue de manière très intrusive et déstabilisante par les femmes.
Quels que soient les auteurs, tous postulent que ces remaniements sont nécessaires au bon établissement du lien mère-enfant. Or, une femme qui souffre de dépression ne pourra probablement pas vivre sereinement ce temps de maternogenèse parce qu’elle sera prise dans ses symptômes dépressifs. Pour s’anticiper mère, il faut s’anticiper mère « suffisamment bonne », ce qui est difficile pour une femme souffrant de dépression. Winnicott dit « qu’une femme doit être en bonne santé pour atteindre cet état (de préoccupation maternelle primaire), et pour s’en guérir quand l’enfant l’en délivre (3)».
La dépression empêchera parfois la mère d’atteindre l’état de préoccupation maternelle primaire. Quand viendra le temps de s’occuper réellement du bébé, elle ne sera pas prête à s’investir physiquement et psychiquement dans cette nouvelle relation, quand bien même la dépression serait résolue car elle n’aura pas eu le temps de se préparer à accueillir le nourrisson ni de se préparer à être mère. Winnicott pense que le « défaut d’adaptation de la mère au stade le plus précoce ne produit rien d’autre que l’annihilation du self chez le petit enfant ». L’économie du travail de maternogenèse est impossible, sinon la relation mère-enfant se développe sur de mauvaises bases et la mère n’est pas capable de répondre adéquatement aux besoins de son enfant.
(1) Bydlowski M.
Je rêve d’un enfant : l’expérience intérieure de la maternité.
Paris : Odile Jacob ; 2000
(2) Bydlowski M.
La dette de vie : itinéraire psychanalytique de la maternité. 3ème ed.
Paris : Presses Universitaires de France ; 2000.
(3) Bayle B.
Contribution à l’étude psychologique de la grossesse.
In : L’enfant à naître : identité conceptionnelle et gestation psychique.
Ramonville Saint-Agne : Erès ; 2005. p. 305-68.
- DW Winnicott parle de la « préoccupation maternelle primaire » qui est un état d’hypersensibilité qui croît tout au long de la grossesse, au cours duquel « un des aspects de la personnalité de la mère prend temporairement le dessus », à la manière d’un épisode schizoïde, ce qui lui permet à la naissance de se « mettre à la place de son enfant et répondre à ses besoins ». Dans les semaines qui suivent la naissance, cet état régresse et la femme n’en garde presque aucun souvenir.
- Pour PC Racamier aussi, le processus de « maternalité » tend vers une modalité psychotique normale et réversible. Le psychisme de la femme se concentre sur le fœtus de manière narcissique et fusionnelle. Mais la mère a aussi tendance à se confondre, ou à confondre son propre corps portant le fœtus, avec le fœtus. A la naissance, la femme retrouve progressivement son fonctionnement psychique antérieur mais pour Racamier « c’est à cette condition, on le sait, que la mère peut réellement être pour l’enfant le moi qu’il n’ a pas encore, mais qu’il va construire justement sur les bases de cette relation. C’est aussi à cette condition que la femme est capable de pressentir les besoins et les états de son enfant. »
- Quant à Monique Bydlowski, elle décrit la « transparence psychique ». Il s’agit tout d’abord « d’un état d’appel à l’aide latent et quasi permanent » envers un référent. Et deuxièmement, les femmes semblent faire une corrélation entre la grossesse et leur propre enfance de manière privilégiée, ceci étant favorisé par l’hyperinvestissement narcissique du nouvel objet psychique qu’est l’enfant. Elles ont ainsi accès à des contenus inconscients habituellement refoulés. Elles revivent des conflits archaïques de leur propre enfance, notamment le conflit oedipien. Cela peut se dérouler plus ou moins facilement selon comment ces conflits ont été résolu dans le passé. Cette phase est nécessaire pour permettre l’identification de la future maman à sa propre mère. Ces remaniements psychiques normaux, peuvent parfois être à l’origine de symptômes dépressifs plus ou moins francs. La reviviscence d’évènements douloureux anciens depuis longtemps refoulés peut être vécue de manière très intrusive et déstabilisante par les femmes.
Quels que soient les auteurs, tous postulent que ces remaniements sont nécessaires au bon établissement du lien mère-enfant. Or, une femme qui souffre de dépression ne pourra probablement pas vivre sereinement ce temps de maternogenèse parce qu’elle sera prise dans ses symptômes dépressifs. Pour s’anticiper mère, il faut s’anticiper mère « suffisamment bonne », ce qui est difficile pour une femme souffrant de dépression. Winnicott dit « qu’une femme doit être en bonne santé pour atteindre cet état (de préoccupation maternelle primaire), et pour s’en guérir quand l’enfant l’en délivre (3)».
La dépression empêchera parfois la mère d’atteindre l’état de préoccupation maternelle primaire. Quand viendra le temps de s’occuper réellement du bébé, elle ne sera pas prête à s’investir physiquement et psychiquement dans cette nouvelle relation, quand bien même la dépression serait résolue car elle n’aura pas eu le temps de se préparer à accueillir le nourrisson ni de se préparer à être mère. Winnicott pense que le « défaut d’adaptation de la mère au stade le plus précoce ne produit rien d’autre que l’annihilation du self chez le petit enfant ». L’économie du travail de maternogenèse est impossible, sinon la relation mère-enfant se développe sur de mauvaises bases et la mère n’est pas capable de répondre adéquatement aux besoins de son enfant.
(1) Bydlowski M.
Je rêve d’un enfant : l’expérience intérieure de la maternité.
Paris : Odile Jacob ; 2000
(2) Bydlowski M.
La dette de vie : itinéraire psychanalytique de la maternité. 3ème ed.
Paris : Presses Universitaires de France ; 2000.
(3) Bayle B.
Contribution à l’étude psychologique de la grossesse.
In : L’enfant à naître : identité conceptionnelle et gestation psychique.
Ramonville Saint-Agne : Erès ; 2005. p. 305-68.