La femme enceinte et la dépression ou comment devient-on mère
Dans les constellations et la restauration du mouvement interrompu, nous pouvons observer combien l’état psychique de la mère porte à conséquence sur la construction psychique de l’enfant et de l’adulte à venir, donc sur le système tout entier. Nous observons souvent des femmes dépressives, voire des lignées de femmes dépressives dont les grossesses ont été un poids ce qui donnent aux enfants l’impression d’être un fardeau, une “erreur”, un mal-aimé pas aimable voire une malédiction.
Car, comme le souligne Maud Perreau “ même une dépression mineure, lorsqu’elle survient pendant la grossesse, censée être un moment de joie pour la femme, entraîne une grossesse difficile et une préparation à la maternité difficile voire impossible. La grossesse est en effet un moment de remaniement psychique important pour la femme, qui lui permet de se préparer à son rôle de mère.”
Pour nous aider à comprendre ce qui se passe dans cette période fondatrice, tant pour la mère que pour l’enfant, voici des extraits de la thèse en médecine de Maud Perreau, intitulée “La dépression pendant la grossesse : enjeux diagnostiques et thérapeutiques actuels”. Avoir plus de réalités et de compréhension sur les difficultés que peuvent rencontrer les femmes à être mères apportent discernement et tolérance. Cela permet de mieux appréhender la souffrance que les mères et les enfants doivent traverser, la plupart du temps démunis. Cela peut faciliter ce mouvement paradoxal qui est de laisser ce qui est malsain pour mieux prendre en soi cette vie transmise par nos mères.
La femme en proie à des sentiments dépressifs pendant la grossesse, moment réputé de plénitude et d’accomplissement de la féminité, se sent doublement coupable de son malaise. Elle se sent « moins que
rien » à un moment où elle devrait être toute à son bonheur d’être bientôt mère. A moins que justement ce ne soient ses difficultés à devenir mère qui s’expriment sous la forme d’une dépression ? Nous allons premièrement décrire les remaniements psychiques de la mère qui peuvent être difficiles, puis nous évoquerons le risque suicidaire inhérent à toute dépression.
a) Adaptation à la maternité
Les remaniements psychologiques qui ont lieu pendant la grossesse sont maintenant bien connus, ils sont même nécessaires au bon établissement du lien entre la mère et son bébé.
L’accession au statut de parent entraîne une modification de la structure familiale et personnelle. Les parents deviennent grands-parents et les enfants à leur tour deviennent parents : cela implique pour tous les protagonistes d’affronter leur vieillissement et l’avenir de leur mort. Les futurs grands-parents doivent valider leurs enfants en tant qu’adultes responsables et aptes à élever des enfants. Les futurs parents doivent pouvoir s’appuyer sur leurs propres parents pour apprivoiser le rôle qui sera bientôt le leur.
Tout commence par le désir d’enfant. La maîtrise des naissances grâce à la contraception a changé la façon d’aborder la maternité et fait peser de lourdes responsabilités sur les couples. Ce n’est plus le hasard qui décide de la conception d’un enfant mais eux. Dans le cas d’une grossesse non planifiée, le non-recours à l’avortement valide le désir d’enfant. L’enfant est donc le fruit de leur désir.
Pour Monique Bydlowski (1) , ce désir se construit progressivement dès l’enfance, d’abord par l’identification de la petite fille à sa mère, puis par son amour et son désir d’enfant du père, pour se terminer à l’âge adulte par le désir d’avoir un enfant avec l’homme choisi. Ce processus peut donc être mis à mal quand des évènements empêchent l’identification à la mère ou l’amour du père. Par exemple, une enfant maltraitée ou négligée par sa mère aura du mal ou ne pourra pas s’identifier à elle et ne pourra pas assumer pleinement son désir d’enfant.
Si elle devient malgré tout enceinte il est possible que ce soit un moment particulièrement difficile pour elle. Monique Bydlowski cite G. Groddeck selon qui « les femmes qui détestent leur mère n’ont pas d’enfants (1)." L’aptitude à devenir mère implique en effet la reconnaissance d’une gratitude à l’égard de celle qui a donné initialement la vie. C’est ce qu’elle nomme la dette de vie ( 2).
Le désir d’enfant peut aussi être motivé par des situations difficiles : résoudre un conflit conjugal, « soigner » son mal-être en s’occupant d’un bébé... Autant de cas où l’accession à la maternité risque d’être difficile.
Par ailleurs le fait de choisir la venue d’un enfant entraîne des doutes. Qui dit choix, dit peut-être mauvais choix. Même chez les femmes qui ressentent ce désir d’enfant de manière très authentique, bien souvent ce sentiment est teinté d’ambivalence. « Est-ce vraiment le bon moment ? », « Vais-je être à la hauteur ? ». Autant de questions que les générations précédentes ne se posaient probablement pas en ces termes et qui renferment le devoir d’être un parent parfait. Certaines femmes peuvent vivre de façon dramatique et très culpabilisante ces interrogations.
Ces dernières sont toutefois généralement normales et n’entravent pas le fonctionnement de la personne, bien au contraire, elles font partie de la construction de la future maman. En effet, la grossesse est le temps nécessaire à l’embryogenèse mais aussi à ce que nous nommerons la « maternogenèse ». C’est à dire que la femme a besoin du temps de la grossesse pour se sentir devenir mère ; des remaniements psychiques importants sont à l’oeuvre et sont nécessaires pour préparer la mère à son nouveau rôle.
Bibliographie
1) Bydlowski M.
Je rêve d’un enfant : l’expérience intérieure de la maternité.
Paris : Odile Jacob ; 2000
(2) Bydlowski M.
La dette de vie : itinéraire psychanalytique de la maternité. 3ème ed.
Paris : Presses Universitaires de France ; 2000.
Car, comme le souligne Maud Perreau “ même une dépression mineure, lorsqu’elle survient pendant la grossesse, censée être un moment de joie pour la femme, entraîne une grossesse difficile et une préparation à la maternité difficile voire impossible. La grossesse est en effet un moment de remaniement psychique important pour la femme, qui lui permet de se préparer à son rôle de mère.”
Pour nous aider à comprendre ce qui se passe dans cette période fondatrice, tant pour la mère que pour l’enfant, voici des extraits de la thèse en médecine de Maud Perreau, intitulée “La dépression pendant la grossesse : enjeux diagnostiques et thérapeutiques actuels”. Avoir plus de réalités et de compréhension sur les difficultés que peuvent rencontrer les femmes à être mères apportent discernement et tolérance. Cela permet de mieux appréhender la souffrance que les mères et les enfants doivent traverser, la plupart du temps démunis. Cela peut faciliter ce mouvement paradoxal qui est de laisser ce qui est malsain pour mieux prendre en soi cette vie transmise par nos mères.
*********************
La mère
Extait de la thèse de docteur en médecine
Maud Perreau
1ère partie
Extait de la thèse de docteur en médecine
Maud Perreau
1ère partie
La femme en proie à des sentiments dépressifs pendant la grossesse, moment réputé de plénitude et d’accomplissement de la féminité, se sent doublement coupable de son malaise. Elle se sent « moins que
rien » à un moment où elle devrait être toute à son bonheur d’être bientôt mère. A moins que justement ce ne soient ses difficultés à devenir mère qui s’expriment sous la forme d’une dépression ? Nous allons premièrement décrire les remaniements psychiques de la mère qui peuvent être difficiles, puis nous évoquerons le risque suicidaire inhérent à toute dépression.
a) Adaptation à la maternité
Les remaniements psychologiques qui ont lieu pendant la grossesse sont maintenant bien connus, ils sont même nécessaires au bon établissement du lien entre la mère et son bébé.
L’accession au statut de parent entraîne une modification de la structure familiale et personnelle. Les parents deviennent grands-parents et les enfants à leur tour deviennent parents : cela implique pour tous les protagonistes d’affronter leur vieillissement et l’avenir de leur mort. Les futurs grands-parents doivent valider leurs enfants en tant qu’adultes responsables et aptes à élever des enfants. Les futurs parents doivent pouvoir s’appuyer sur leurs propres parents pour apprivoiser le rôle qui sera bientôt le leur.
Tout commence par le désir d’enfant. La maîtrise des naissances grâce à la contraception a changé la façon d’aborder la maternité et fait peser de lourdes responsabilités sur les couples. Ce n’est plus le hasard qui décide de la conception d’un enfant mais eux. Dans le cas d’une grossesse non planifiée, le non-recours à l’avortement valide le désir d’enfant. L’enfant est donc le fruit de leur désir.
Pour Monique Bydlowski (1) , ce désir se construit progressivement dès l’enfance, d’abord par l’identification de la petite fille à sa mère, puis par son amour et son désir d’enfant du père, pour se terminer à l’âge adulte par le désir d’avoir un enfant avec l’homme choisi. Ce processus peut donc être mis à mal quand des évènements empêchent l’identification à la mère ou l’amour du père. Par exemple, une enfant maltraitée ou négligée par sa mère aura du mal ou ne pourra pas s’identifier à elle et ne pourra pas assumer pleinement son désir d’enfant.
Si elle devient malgré tout enceinte il est possible que ce soit un moment particulièrement difficile pour elle. Monique Bydlowski cite G. Groddeck selon qui « les femmes qui détestent leur mère n’ont pas d’enfants (1)." L’aptitude à devenir mère implique en effet la reconnaissance d’une gratitude à l’égard de celle qui a donné initialement la vie. C’est ce qu’elle nomme la dette de vie ( 2).
Le désir d’enfant peut aussi être motivé par des situations difficiles : résoudre un conflit conjugal, « soigner » son mal-être en s’occupant d’un bébé... Autant de cas où l’accession à la maternité risque d’être difficile.
Par ailleurs le fait de choisir la venue d’un enfant entraîne des doutes. Qui dit choix, dit peut-être mauvais choix. Même chez les femmes qui ressentent ce désir d’enfant de manière très authentique, bien souvent ce sentiment est teinté d’ambivalence. « Est-ce vraiment le bon moment ? », « Vais-je être à la hauteur ? ». Autant de questions que les générations précédentes ne se posaient probablement pas en ces termes et qui renferment le devoir d’être un parent parfait. Certaines femmes peuvent vivre de façon dramatique et très culpabilisante ces interrogations.
Ces dernières sont toutefois généralement normales et n’entravent pas le fonctionnement de la personne, bien au contraire, elles font partie de la construction de la future maman. En effet, la grossesse est le temps nécessaire à l’embryogenèse mais aussi à ce que nous nommerons la « maternogenèse ». C’est à dire que la femme a besoin du temps de la grossesse pour se sentir devenir mère ; des remaniements psychiques importants sont à l’oeuvre et sont nécessaires pour préparer la mère à son nouveau rôle.
Bibliographie
1) Bydlowski M.
Je rêve d’un enfant : l’expérience intérieure de la maternité.
Paris : Odile Jacob ; 2000
(2) Bydlowski M.
La dette de vie : itinéraire psychanalytique de la maternité. 3ème ed.
Paris : Presses Universitaires de France ; 2000.