La peur de l'abandon
La peur d’être abandonné
Par Bert Hellinger
extrait de Pour que l’amour réussisse
Par Bert Hellinger
extrait de Pour que l’amour réussisse
Quand quelqu’un veut quitter son partenaire, il se produit souvent une réaction étrange qu’il n’est pas facile d’expliquer. Le partenaire qui est abandonné a peur de mourir. Il a le sentiment qu’en perdant son partenaire, il perd ainsi la vie. C’est exactement la situation dans laquelle se retrouve le petit enfant subitement abandonné par sa mère. Il est pris d’une grande peur et saisi de panique.
En observant l’expression du visage d’une personne adulte abandonnée, on peut en déduire si ces peurs sont dans son ressenti d’enfant et quel âge elles ont. Par exemple, ont-elles deux ou quatre ans ?
Si, par contre, la personne abandonnée est dans son ressenti d’adulte, elle ne sera jamais complètement démunie. Elle sait que sa vie ne dépend pas du fait que le partenaire reste ou s’en aille.
Si l’un des partenaires vit souvent et fortement dans son ressenti d’enfant, la relation est en danger. Il arrive qu’un partenaire dise à l’autre : si tu me quittes, je me tue, la vie n’aura plus de sens pour moi ! ce faisant, l’autre partenaire entre dans le rôle de la mère, qui doit veiller à la survie de l’enfant. Il cesse donc d’être un partenaire, et il ne reste plus d’autre solution que de renoncer à cette relation.
La lutte de l’un des partenaires pour garder l’autre tire souvent son énergie de la peur de l’enfant de perdre sa mère. L’exigence de fidélité ne s’adresse donc pas tant au conjoint qu’à la mère. De même, la fidélité inconditionnelle de l’un des partenaires, en particulier quand elle se manifeste dans un dévouement total, n’est que le transfert de la fidélité de l’enfant à sa mère sur le ou la partenaire. Elle prend ainsi un aspect irréel.
Pour qu’une relation de couple réussisse, il est important que chacun cherche dans l’autre un partenaire et non une mère.
Chacun manifeste l’amour à sa manière
et il n’y a pas qu’une seule forme...
Béatrice B.
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et il n’y a pas qu’une seule forme...
Béatrice B.
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Point de vue de Christiane
Beaucoup de personnes qui ont vécu une rupture d’élan ont tendance à être solitaires, à craindre la relation car trop dangereuse parce qu’elle réactive le risque d’abandon, de séparation, d’être différencié et ainsi livré à cette béance qu’est le désespoir du petit enfant qui doit trouver, seul, des stratégies pour survivre.
Une personne qui a vécu un élan interrompu, dont la mère n’a pas pu être accueillante, enveloppante et qui n’a pas pu recevoir toute la sécurité nécessaire à son développement risque de demander beaucoup à son partenaire, tout en s’en défendant, parfois ; elle va attendre, de façon très inconsciente, qu’il répare et comble le vide, les manques affectifs. Le partenaire est alors conçu, espéré, regardé comme la mère idéale ou le père idéal qui va donner l’élan à exister. La relation est le lieu de projection d’un amour idéal et idéalisé qui relève de la pensée magique et de l’illusion.
Il en est de même pour toute personne qui n’a pas pu prendre sa mère ou son père parce qu’eux-mêmes n’ont pu prendre le soutien et la sécurité que leurs propres parents étaient sensés leur donner. L’enfant perçoit que même si les parents sont là physiquement, ils sont absents, leur attention prisonnière de leur histoire, de leur passé et qu’il n’y a personne sur qui s’appuyer. Personne n’est là pour lui, avec lui et au pire, le parent redevient le petit si bien que l’enfant est abandonné en tant qu’enfant.
Alors adultes, nous tentons de compenser ces carences affectives, ces absences de liens dans nos relations amoureuses. Ces attentes projetées sur l’autre sont impossibles à satisfaire. Celui qui se sent l’objet de telles attentes est démuni, impuissant et souvent, a tendance à vouloir se dégager de la relation. Il y a un déséquilibre entre prendre et donner qui s’installe. Cela conduit à la dépendance mutuelle où personne ne peut s’épanouir. Est ce de l’amour lorsque nous ne tolérons pas que l’autre s’éloigne ou lorsque nous lui rendons cet éloignement invivable ?
La relation ne se situe plus sur un plan d’égalité. Un couple est constitué de deux personnes égales dans ce qu’elles ont et ce qu’elles n’ont pas. Ils sont co-créateurs de leur système actuel car arrivés au même moment, donc sur le même niveau hiérarchique. Chacune des personnes est à même de dire à l’autre : tel que tu es, tu me conviens. Et ensemble, nous allons croître. Les difficultés, les épreuves sont des moyens de grandir et d’approfondir la relation par une communication vivante, sans tomber dans un sacrifice de l’un ou de l’autre. Quand chacun est à sa place d’adulte, la relation devient alors un chemin où chacun peut aller à la rencontre de lui-même.
Pour cela, les abandons primaires, réels ou vécus comme tels, devront être travaillés, nommés, expérimentés pour les vider de leur contenu douloureux et les intégrer à notre réalité. La restauration du mouvement interrompu, les constellations, entre autres, vont participer à ce mouvement d’intégration qui aide à transformer la souffrance en conscience et en source d’évolution. Ces processus thérapeutiques vont permettre d’unifier les parties souffrantes, de trouver une voie vers la plénitude.
Une personne qui s’est bien “remplie” auprès de ses parents, même des parents symboliques, qui s’est suffisamment attachée à ses parents peut facilement se détacher pour s’ouvrir à une relation de femme et d’homme tournés vers leurs besoins fondamentaux et leurs intentions communes. Elle sort de ce rêve idyllique propre à l’état amoureux, de l’ aveuglement pour construire une relation lucide où aimer rime avec compréhension et responsabilité.
Le travail sur soi permet cette mutation. Il ne s’agit pas de nier ces souffrances réelles ou ressenties par l’enfant, il s’agit de les accueillir pleinement, peu à peu, pour que la survie ne dépende plus de l’autre mais s’inscrive dans un mouvement de vie et d’autonomie.
Pour aimer il faut être prêt à accueillir deux solitudes,
la sienne et celle de l’autre.
Aimer, c’est dire à quelqu’un : oui, je t’aime tel que tu es.
Même si tu ne corresponds pas à mes rêves et à mes espoirs,
le fait que tu existes me réjouit davantage que mes rêves.
Andé Comte-Sponville
la sienne et celle de l’autre.
Aimer, c’est dire à quelqu’un : oui, je t’aime tel que tu es.
Même si tu ne corresponds pas à mes rêves et à mes espoirs,
le fait que tu existes me réjouit davantage que mes rêves.
Andé Comte-Sponville