Mouvement interrompu : un exemple de restauration

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La restauration du mouvement interrompu est un processus thérapeutique au sein d’un processus systémique. C’est un mouvement émotionnel ; il ne s’agit pas d’une identification. Un enfant qui a vécu cette rupture de lien sera un adulte qui reste avec la crainte, si ce n’est la hantise, de  revivre une telle blessure alors que sa survie dépendait du lien à la mère. 

Pour restaurer ce mouvement, la personne a besoin de retourner là où l’amour s’est arrêté.

Soit ce mouvement est restauré dans le cadre d’une constellation et souvent, il s’avère que la mère a également vécu ce traumatisme ; alors le premier pas à faire sera qu’elle puisse elle-même recevoir du soutien, prendre la force, la vie de sa propre mère. Une mère qui est incertaine, pas solide, inattentive, dispersée, déprimée  va demander à l'enfant d'être son parent, inconsciemment..... et il répondra à cette demande car sa survie en dépend. Il croit qu'en donnant de l'attention à son parent, il en recevra en retour, par exemple. L'enfant ne peut retourner vers sa mère que si le danger d’être confronté au vide, au néant est écarté.

Soit ce mouvement est pansé par le bonding (éteinte codifiée) de Jirina Prekop où le praticien tient la personne dans ses bras et lui offre la possibilité d’exprimer toutes ses émotions sans pour autant que le lien soit interrompu. “On prend la personne qui est en détresse psychique dans ses bras, avec beaucoup d’amour et aussi longtemps qu’il le faudra pour qu’elle se sente apaisée. Grâce à ce contact physique bienveillant, elle pourra crier sa douleur, son angoisse, sa colère, enfin exprimer sa tristesse et pleurer, et se sentir malgré tout –et peut-être même pour cela- aimée” Franke

Dans les ateliers que nous proposons sur ce thème,  les personnes travaillent par deux et ainsi une personne devient, le temps de la restauration, la mère d’un participant : elle est le réceptacle de la douleur de l’enfant et lui offre un espace de sécurité, d'écoute, de tendresse où il peut s’abandonner comme un tout petit enfant. Ce processus est bien entendu accompagné par les thérapeutes qui facilitent l’expression des émotions refoulées et du contact.

Une personne adulte qui peut mener à terme ce mouvement va se sentir acceptée et aimée ; et elle peut s’aimer et devenir aimante, confiante, avec des relations  fluides et spontanées.

L’exemple condensé qui suit est issu de la pratique, lors d'un stage de constellations. Le praticien laisse ce mouvement d’amour s’écouler vers la mère de ce petit enfant.
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Demande d’André

Plus le travail avance, plus je vois que ce qui me manque le plus, c’est ce sentiment d’amour.... J’ai l’impression que je ne sais pas ce que c’est que d’aimer ou d’être aimé. J’ai jamais su......(sa voix s’étrangle et ses yeux expriment une angoisse grandissante).
Ce qui me frappe, c’est que je n’ai aucun souvenir de ma mère et de mon enfance. Rien, rien du tout....(long silence).
Je me rappelle mon père ; lui s’occupait de moi mais ma mère, rien....rien. Je me revois vers les 2 ans aller avec mon père. Mais ma mère rien.... Pourquoi je n’étais pas à côté de ma mère, pourquoi elle était pas là ?? (sa voix est de plus en plus faible, comme celle d’un tout petit enfant  qui aurait environ 2 ans et il est très agité).

Je lui demande de rester en contact avec  toutes ses impressions et il me dit que c’est comme s’il descendait dans un trou profond et noir. André ressent une grande frayeur et dit qu’il va être aspiré par ce trou.......et il souhaite remonter.

Très doucement, je l’invite à garder le contact avec son ressenti et à se tourner vers moi. Ses yeux sont pleins d’effroi. Il tremble,  paniqué. Je l’encourage à descendre dans ce trou et à rester tout petit.

André a très peur et résiste à aller plus loin. Recontacter la blessure originelle est très douloureux et il s’en défend. Quelques explications sur ce qui se passe, rassure la personne et lui permet de faire un pas de plus. André ne veut pas aller plus loin et il se met à pleurer.

Délicatement j‘approche la tête d’André vers mon épaule et le prend dans mes bras. Je lui propose de mettre ses bras sur mes épaules lorsqu il le pourra et le voudra. à son rythme.

Il est invité à respirer profondément et lentement. Il tremble beaucoup et de profonds sanglots jaillissent. Au bout de 10 minutes environ, il dit que sa mère est présente. Il peut la voir et à ce moment-là il peut mettre
ses bras sur mes épaules. Il respire toujours doucement par la bouche. À nouveau quelques explications sur cet élan interrompu lui facilitent le processus.

Au bout d’une vingtaine de minutes, André se sent soulagé et il se détache et se redresse. Il dit alors qu’il est tranquille et rempli. Il a l’impression de découvrir le monde avec une vision plus large. Le monde lui semble plus accueillant et il se sent relié et avec de la force.

Il ferme alors les yeux et dit que sa mère est là. Je l’invite à la regarder dans les yeux ; à nouveau des sanglots arrivent mais il dit que maintenant il peut aller vers elle ce qu’il fait, doucement. André dit qu’il souhaite aller dans les bras de sa mère et la serrer.
je l’invite à le faire et alors il lâche sa tête sur sa poitrine et reste un moment dans ce contact.

Lorsqu’il ouvre les yeux, il ne voit plus sa mère : je l’ai perdue dit-il avec appréhension.

Je l’invite à bien regarder et ne pas bouger :

ah oui elle est là, je vois ses jambes mais pas son visage

Je l’encourage à maintenir son attention :
maintenant je vois son buste.......silence.... maintenant je vois son visage ; elle m’attend et me tend les bras. Et je peux aller vers elle - ce qu’il fait.

En ouvrant à nouveau les yeux, il dit qu’il voulait s’assurer que sa mère reviendrait bien et qu’il n’allait pas la perdre.

Ainsi un nouveau lien est-il initié et André témoigne de son envie de prendre ses enfants dans ses bras comme il vient de le vivre, ce qu’il n’a jamais fait.

Christiane Perreau
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