Le mouvement interrompu - 4ème partie

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Voici la suite et fin de l'article consacré au mouvement interrompu ; cet article va être enrichi dans les semaines à venir d'articles et/ou extraits de livres, d'écrits concernant l'attachement, la maternité, des exemples concrets de restauration du mouvement interrompu.

Vos impresssions ou réactions sont toujours les bienvenues et j'en profite pour vous signaler qu'Édith vient de mettre un long commentaire sur son expérience de l'exercice intitulé
"prendre sa famille en soi"
http://constellations-je-nous.over-blog.com/article-23969777.html






Les conséquences du mouvement interrompu

Pour se protéger, l’enfant va se retirer en lui, se refermer, se distancier des autres. Sa souffrance est telle qu’il va devenir méfiant, se sentant facilement rejeté, abandonné, invalidé, incompris par son entourage. Il est susceptible, se contrariant facilement. Car son mouvement initial, son intention d’aller vers sa mère a échoué, a été contrarié ce qui lui cause une perte de lien, d’attention, d’amour ; le propre d’une perte est de bouleverser.

Cet enfant ne s’est pas senti accueilli, soutenu, aimé et il peut ensuite se croire et se vivre comme  une erreur, allant jusqu’à porter la honte et la culpabilité d’être né, d’avoir osé naître.
Ce qui l’amène à se couper des autres, mais ce faisant, à se couper de lui-même, de ses ressentis, sentiments et de sa Vraie Nature. En ne ressentant rien, il ne peut ressentir la douleur qui est ainsi refoulée mais ce qui le protège au moment du trauma va le détruire tant que l’incident ne sera pas terminé, c’est à dire revécu en toute conscience. Ne plus ressentir, c’est s’isoler dans un monde d’illusions, de peurs, de mort, un monde étriqué où il n’y a pas de place pour l’autonomie, l’épanouissement personnel.

Souvent, ces enfants deviennent  solitaires et ont tendance à avoir beaucoup de ressentiments envers les parents. Une rage sourde les anime, susceptible d’exploser, de façon démesurée. Rage qui est à la mesure de leur souffrance et  qui peut conduire parfois, à des comportements agressifs envers l’entourage ; beaucoup tentent de contenir cette rage dont ils se sentent coupables et qui fait d’eux des passifs-agressifs. Ils ne montrent pas leur hostilité mais peuvent aller jusqu’à couper le contact avec celui ou celle qui a causé leur souffrance.

Certains de ces enfants vont devenir contrôlants, préférant se débrouiller seuls, à leur façon ; être rebelles, en opposition, se montrer forts ou capter constamment l’attention en criant, questionnant sans cesse et répétitivement font partie de leurs stratégies. Ils peuvent développer très tôt des comportements d’indépendance qui masquent une profonde dépendance affective, un manque de lien douloureux, une détresse infinie qui fait qu’ils restent attachés à leurs parents, sans pouvoir s’en nourrir vraiment. Le simple fait de  soutenir un regard peut être une épreuve difficile pour eux, rappelant trop l’absence du regard de la mère, le manque et donc la dépendance.


Devenus adultes, ces personnes ont du mal à exprimer leur tendresse, leur affection, à se laisser toucher, au sens propre comme au sens figuré.  Elles prennent peu de risques à communiquer car communiquer, c’est accepter d’être effet de l’autre, de recevoir des concepts, des images, des sentiments. Elles peuvent se réfugier dans l’indifférence, se montrant distantes afin d’éviter toute proximité. Elles ont du mal à construire des relations profondes, préférant  ne pas s’engager vraiment, évitant le danger d’une autre rupture, d’une nouvelle perte. Le corps va refléter cette crainte de l’autre, de la blessure en étant rigide, fermé.

Ces personnes ont du mal à accueillir, recevoir , s’abandonner car, enfants, elles n’ont pas pu prendre l’amour, la sécurité, la confiance chez leurs parents, même si ceux-ci en ont témoignés ; manifester de l’amour aux autres est devenu trop risqué. Résistantes, tendues, sur le qui-vive,  elles évitent toute situation qui pourraient raviver les sensations de déception, de trahison, d’angoisse. Plus la relation s’établit, plus l’autre devient important et proche, plus le danger de voir s’ouvrir la blessure d’origine croît. Cela entraîne des blocages, des empêchements à aller   vers l’autre, vers l’existence à répétition.

Il y a des programmes de sabotage, notamment de la vie affective, qui amènent ces personnes à rompre brusquement une relation qui leur est chère, sans vraiment savoir pourquoi ou bien à ne rencontrer que des personnes qui leur font répéter des situations d’abandon ou bien à vivre de multiples relations sans pouvoir construire quoique ce soit. Ce sont des réactions inconscientes et non délibérées qui sont incontrôlables et que les personnes tentent souvent de justifier pour ne pas conscientiser la souffrance primaire.
 
Des programmes du genre “Je vais me débrouiller seul, je ne demande rien aux autres, je suis fort, je dois me battre pour survivre, les êtres humains qui me veulent du bien sont dangereux, je ne peux faire confiance à personne, à quoi ça sert, à quoi bon, je n’y arriverai pas, plus jamais cela” ont été mis en place ; la main de l‘autre qui se tend pour les accompagner, les réconforter est perçue comme un risque et l’ aide est associée à la trahison, à la douleur. Le passé conditionne le présent et le futur. Il n’y a donc pas ou peu de possibilité de vivre le moment présent.

Ces croyances devenues invisibles orientent les décisions de cet adulte blessé, le limitant dans son existence et le faisant souffrir. Plus l’incident racine est précoce, plus il est à l’origine de programmes nuisibles qui constituent les piliers de la personnalité égotique. Cela sera d’autant plus puissant qu’un incident similaire a été vécu par d’autres personnes de la lignée, du système et il y aura une confusion des expériences traumatiques.

Ces personnes ont du mal à aller jusqu’au bout de leurs actions. Réaliser une intention équivaut parfois à mourir. L’élan n’y est pas ; il y a en elles un mouvement comme un pas en avant, deux pas en arrière ou une tendance à tourner en rond qui se voient lors des placements, traduisant leurs mouvements mentaux et mettant en évidence les tendances à l’évitement, la démission, le renoncement.

Ces personnes vont connaître la dépression et leur ton émotionnel chronique est souvent bas : tristesse, chagrin, apathie, peur, panique, anxiété. Bien que certaines soient dans un désir de tout contrôler, elles peuvent ne pas savoir ce qu’elles désirent ; désirer est devenu une source potentielle de douleur, puisque la rupture a été la conséquence d’une intention, d’un désir non réalisés.

Lorsque cette dynamique se montre en constellation, c’est toujours un moment délicat pour la personne concernée. Les émotions liées à cette interruption vont être réactivées et devront être traversées : colère, haine, peur,  résistances, renoncement, tristesse, chagrin. C’est une expérience douloureuse et la  personne va hésiter, tenter d’échapper au processus, en raisonnant, en parlant d’autre chose. Elles utilisent les stratagèmes habituels, connus qui lui ont permis de survire jusque-là. Mais la souffrance ne peut disparaître que si elle est expérimentée totalement ; résister à une souffrance la fait persister.

Les personnes auront des tensions dans la nuque, le dos, des maux de tête, une respiration bloquée, autant de symptômes qui appartiennent à cet élan interrompu et qui s’amplifient lors du travail. Car ces personnes sont  confrontées à leur impuissance. Et comme le dit Alexandra Bosworth, “les plus grands dangers semblent être la perte de contrôle et l’amour et elles feront tout leur possible pour que ces deux choses ne leur arrivent plus –même si pour y arriver, elles doivent détruire ce qu’il y a de bien autour d’elles.”(3)

Il s’agit de reprendre le mouvement là où il a été interrompu, alors que la personne était enfant, bébé et cela demande du temps et une empathie totale avec ce qui se vit. La personne a besoin d’être soutenue, touchée, prise dans les bras afin de trouver la sécurité qui permette de confronter ces blocages et de voir qu’aujourd’hui elle ne sera pas abandonnée à son désarroi, seule. Expliquer ce qu’est le mouvement interrompu, en quelques mots, alors que la personne se heurte à des résistances,  permet au côté analytique, à la partie adulte de comprendre ce qui se joue et qu’il est normal, légitime même d’éprouver de la rage ou d’être totalement paniqué pour un petit enfant qui n’a plus personne pour le prendre, l’accueillir, le soutenir, le faire exister.

La restauration du mouvement interrompu fait partie intégrante du processus des constellations familiales. Mais orienter un travail sur ces liens avec la mère ou le père, comme nous le proposons dans nos ateliers et stages, est l’occasion d’aller plus en profondeur dans le traumatisme. Toute l’attention de la personne, du groupe et des accompagnants est focalisée sur ce thème ce qui permet d’extérioriser des ressentis négatifs bloqués depuis de l’incident primaire.

C’est un point essentiel pour toute personne qui souhaite se réconcilier avec elle-même, avec ses parents, avec sa propre existence. Il s’agit de se réapproprier ses propres douleurs soigneusement refoulées afin de survivre. Or, le refoulement demande beaucoup d’énergie !

Souvent la peur de revivre ces moments est beaucoup plus terrible que d’en faire l’expérience. Car l’expérience de maintenant n’est pas celle du passé, du tout petit impuissant, démuni. Celle du passé a été subie, celle de maintenant est consentie par la personne. Celle du passé a souvent laissé les protagonistes dans une rupture réciproque où la mère ou le parent référent sont désarmés devant la souffrance de l’enfant, parents réactivés la plupart du temps dans leur propre élan interrompu et les problématiques de rejet ou d’abandon de leur système.

Ainsi rétablir le mouvement interrompu est une expérience profondément libératrice qui permet d’intégrer père et mère en soi, réhabilitant ce lien indestructible entre parents et enfants, source de sécurité, de confiance intérieures et qui facilite la séparation, la distanciation et une réelle indépendance.

Christiane Perreau




Bibliographie
(1) (3) L’enfant blessé, l’enfant qui blesse  - Alexandra Bosworth
(2) Pr J-P Relier préface de Mémoire de foetus – Edmée Gaubert
L’attachement – concepts et applications Nicole Guedeney ) Antoine Guedeney
L’amour et l’enfant - Arthur Janov
Si l’enfantement m’était conté - Frédérik Levoyer
Conception des croyances limitantes dans le ventre  maternel <http://www.retrouversonnord.be/ventrematernel.htm> .














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