Secrets et condition féminine

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Les constellations nous montrent combien les enfants et les femmes ont souffert des dysfonctionnements, des secrets et des non-dits de leur clan. Il est toujours important lorsque nous observons un secret, un système familial de replacer ceux-ci dans leur contexte historique, social, culturel. Les comportements, les points de vue ont beaucoup changé depuis 40 ans, permettant aux hommes et aux femmes de vivre plus proches d’eux-mêmes, de leur choix de vie.

Voici un texte de Nathalie Chassériau issu de son livre Psychogénéalogie, Connaître ses ancêtres, se libérer de leurs problèmes qui nous fait un rappel de la condition féminine d’avant Mai-68. Elle parle de ce qu’ont pu vivre nos ancêtres et plus particulièrement nos grands-mères, nos arrières grands mères. Il est important de ne pas oublier que les femmes, depuis des siècles, ont payé un lourd tribut dû à l’ignorance, l’inconscience, l’étroitesse d’esprit, les dogmes religieux, le carcan social.

Pour beaucoup d’entre nous, prendre sa mère telle qu’elle est un long chemin. Mais, si nous prenions un peu plus conscience du parcours des femmes depuis si longtemps, nous réaliserions ce qu’elles ont
enduré ; et nous verrions qu’elles ont dû faire face aux mêmes histoires que nous, avec leurs propres mères qui elles-mêmes ont connu cela avec leurs mères, histoires se répétant de génération en génération. Il est très impressionnant et touchant d’observer toute la douleur éprouvée par les femmes lorsque nous mettons en place une lignée de femmes.......


Nous pouvons alors constater toute l’attention dont nos mères, nos aïeules ont manqué, comme nous !! Cela permet de les considérer non plus comme des mères imparfaites, mais comme des femmes qui, comme nous, ont dû gérer leurs manques du mieux qu’elles le pouvaient. Et peut-être pouvons-nous saisir qu’elles nous ont transmis l’essentiel, la vie et qu’aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir d’autres connaissances des relations humaines, des outils comme les thérapies et du temps pour transformer nos souffrances en conscience. Car beaucoup de nos aïeules avaient des journées de 15, 16 heures d’un rude labeur (ma mère se levait à 4 h du matin pour traire les vaches et ne se couchait pas avant 21 h, ma belle mère se levait aussi à 4 h du matin pour faire les lessives avant de partir travailler à la poste......)

Élargir notre regard à toute l’histoire des femmes apportent plus de compréhension pour les difficultés qu’elles ont éprouvées. C’est les reconnaître et leur rendre hommage pour ce qu’elles sont ou ont été en tant qu’êtres humains. Et en les respectant, nous nous respectons et ouvrons un chemin de compassion pour elles, pour les enfants que nous avons été et les adultes que nous sommes.

Christiane Perreau



Comment l’enfant réagit au secret
Face à un secret dont ils perçoivent l’existence sans pouvoir l’imaginer ni le mettre en mots, les enfants peuvent recourir à différentes stratégies.
Certains vont s’efforcer d’être parfaits, dans la tentative inconsciente de réparer la faute inconnue : toujours premiers en classe, ce sont les enfants sages par excellence. D’autres vont se désespérer, sombrer dans la dépression ou fantasmer sur le secret en perdant  progressivement pied avec la réalité. D’autres, enfin, vont devenir comme sourds et aveugles à ce qui se passe dans tout l’entourage familial, pour ne pas risquer de devoir affronter des vérités trop douloureuses. Ils vont s’habituer à “ne pas voir, ne pas entendre, ne pas dire”. Ce sont souvent des enfants à la personnalité cliver, qui affichent des comportements très différents selon les personnes qu’ils côtoient et les circonstances dans lesquelles ils se trouvent

Les secrets et les tabous changent selon les époques : la condition féminine avant Mai-68
Même si nous ne le savons pas, nous sommes tous héritiers de tabous sexuels de nos ancêtres. Il nous faut donc faire un réel effort pour imaginer dans quel carcan ils (et surtout elles) vivaient, et jusqu’à quel point leur vie a été conditionnée. Nous ne devons pas oublier qu’avant Mai 68, le sexe était un sujet largement censuré dans nos sociétés occidentales, et la condition féminine muselée dans la dichotomie de la “maman et la putain” : il y a encore 50 ans, les familles de la “bonne” bourgeoisie ne recevaient pas les femmes divorcées, et les métiers d’actrice, de chanteuse ou de danseuse étaient associés à une vie dissolue, proche de la prostitution.

Devoir exister selon ce modèle contraignait les épouses à supporter les infidélités – et parfois l’abandon sexuel- de leur mari, sans pouvoir rien faire, ni en parler avec personne. Toute activité sexuelle féminine en dehors du mariage était frappée d’anathème, toute vélléité d’autonomie était muselée. Mai-68 a balayé les derniers résidus de morale bien-pensante. Le contrôle des naissances et la liberté sexuelle qui s’en est suivie ont révolutionné la condition féminine et la société dans son ensemble, mais nous ne devons pas oublier que des comportements qui nous paraissent aujourd’hui évidents pouvaient représenter des péchés mortels pour nos grands-mères.


Le fait d’avoir conçu un enfant avec son futur mari avant les noces était considéré comme une faute grave et devenait souvent un secret de famille, obligeant les femmes à inventer des naissances prématurées et à tricher toute leur vie sur les dates. La religion était à l’origine de tous les tabous  sexuels –homosexualité, masturbation, adultère des femmes, statut de filles mères et de leurs “bâtards” etc. Elle a aussi causé beaucoup de malheur conjugaux : si on divorçait rarement à l’époque de nos grands-parents, ce n’est pas parce que les époux s’entendaient mieux qu’aujourd’hui, mais simplement pour éviter l’excommunication et le rejet social. Les couples mal assortis étaient condamnés à se supporter à vie, et les épouses malheureuses et frustrées reportaient sur leurs enfants leurs carences affectives, avec les conséquences que l’on peut imaginer.

Quant aux grossesses non désirées, on les interrompait dans le secret et dans des conditions hygiéniques souvent déplorables : les infections étaient monnaie courante à une époque où les antibiotiques n’existaient pas. Celles qui avaient “fauté et qui ne voulait ou pouvaient pas avorter étaient le plus souvent contraintes d’abandonner le “fruit du péché” à la porte des couvents ou de le confier à une nourrice au fin fond d’une lointaine campagne. Certaines naissances, déclarées prématurées avec la complicité du médecin ou de la sage-femme, cachaient des enfants adultérins conçus alors que le mari était à la guerre ou en voyage. Le secret honteux de la mère (auquel s’ajoutaient parfois les soupçons du père officiel) était destiné à la poursuivre toute sa vie et à devenir un fantôme pour l’enfant qui ressentait le mystère de ses origines même si on le lui taisait.

Il faut donc faire un réel effort pour essayer de se représenter le carcan dans lequel ont vécu ces femmes auxquelles nous devons la vie. Assujetties à un mari dont dépendant leur survie matérielle, à un confesseur qui avait en charge leur salut éternel et à l’opinion des voisins qui scellait leur réputation, beaucoup oubliaient qu’elles étaient femmes pour se vivre seulement comme mères.
Dans de telles conditions, comment auraient-elles pu s’épanouir et permettre à leurs enfants de devenir à leur tour des adultes sexuellement épanouis ?

Nathalie Chassériau, Psychogénéalogie, Connaître ses ancêtres, se libérer de leurs  problèmes
chez Hachette


 
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