La place de représentant - 1ère partie

Publié le



Beaucoup de personnes appréhendent d’être représentants et se demandent si elles vont savoir faire, être à la hauteur, si elles vont ressentir quelque chose. Elles doutent de leurs capacités à ressentir, à s’identifier et ne faisant plus ou pas confiance à leurs perceptions. Un enfant ressent vivement les événements, les sentiments, impressions de son milieu familial ce qui l’amène à prendre la place d’une personne rejetée, exclue, d’un parent dépressif, suicidaire, se coupant ainsi de la force qui vient de son système. L’enfant, le plus souvent, n’a que trop ressenti.... Et une petite voix lui dicte “ne ressens pas ce que tu ressens”, petite voix qui reste active à l’âge adulte.

Ressentir et s’identifier sont des aptitudes fondamentales de tout Être, de la Vie que chacun est en Essence, aptitudes certes malmenées par les traumatismes et conflits qui font que nous nous fermons, construisant une “cuirasse musculaire” et une structure égotique pour ne plus être en contact avec ce qui fait mal, avec l’ingérable, l'insoutenable ; ce sont des solutions de survie qui nous amènent à devenir cristallisés, rigides, rétrécis, morcellés, séparés de la Vie. Alors adultes, nous croyons que nous ne ressentons pas ou plus. Cependant cette aptitude est toujours présente et peut être réveillée, cultivée, notamment en participant aux constellations.

Lorsque nous sommes représentants, nous ne sommes pas directement concernés par l’histoire de l’autre, nous avons un certain recul et donc peu de résistances, de peurs à nous laisser traverser par ce qui vient. Comme le souligne Renaud dans son témoignage (2ème partie) lorsqu’une personne se trouve de “l’autre côté du miroir”, tout se simplifie. En effet, cette personne n’est plus là en tant que Chantal, Renaud ou Serge, c’est à dire avec ses identités habituelles. Elle est là avec une identité de représentante, au service d’une personne, d’un système et elle est d’accord d’être à cette place pour le temps de la constellation.

Plus une personne peut se dégager de ses identités habituelles, plus elle est disponible aux informations venant du système ; en fait le système, c’est à dire les vivants comme les morts, va “parler” à travers elle. Plus cette personne a une attention neutre,  mieux elle peut accueillir les informations présentes dans ce “champ qui sait”. Il suffit d’être centré, ouvert, à l’écoute des impressions, émotions, sensations, mouvements du corps, pensées ; il suffit de suivre ses impulsions, pas trop vite, pas trop lentement. Alors, une personne éprouve le besoin de se coucher au sol ou a envie de partir loin ou se met à se balancer d’avant en arrière ou à avoir des douleurs physiques. D’autres vont éprouver de la fatigue, de la colère, du chagrin ou ne rien ressentir du tout, notamment lorsqu’un acte néfaste a été commis. Des poings se ferment, des visages deviennent blêmes ou tristes.

Les représentants connaissent peu de choses des personnes qu’ils incarnent. Lors de l’entretien, le faciliteur met l’accent sur les événements  majeurs qu’a connus la famille et non sur les attitudes, traits de caractère, comportements ce qui troublerait le processus et pourrait influencer les représentants. Ce qui fait que les sentiments, symptômes, impressions, paroles des représentants sont fiables. Le constellant est souvent stupéfait de l’exactitude de ce qui émerge : mon père disait cela, ma mère souffrait du coeur....

Les représentants doivent se fier à leurs sensations que nous appelons “perceptions représentatives” ; l’animateur va laisser suffisamment de temps –surtout au début de la constellation- pour qu’émergent ces mouvements profonds issus du système, mouvements qui rendent visibles les intentions cachées, ignorées, inconscientes des personnes et les liens nuisibles, malades. Ces mouvements révèlent le désordre que vit la personne et son clan.

Les représentants n’ont pas à se censurer lorsqu’ils éprouvent des sentiments “interdits” ou qui font peur comme être soulagés de la mort de quelqu’un, avoir envie de tuer un autre ou haïr une mère. Toutes ces informations sont précieuses car elles contiennent les germes du retour à l'ordre ; il est donc crucial de dire ce qui se présente. C’est au faciliteur ensuite de contenir ces informations, de les mettre en forme, d’en tirer l’essence en fonction de l’objectif de la constellation. Il s’agit de prendre conscience de ce qui est sans rien exclure. C’est en ce sens que la constellation est une voie spirituelle vers le non-duel

Un écueil qu’un représentant a à éviter est de vouloir interpréter, décoder, analyser ce qui se montre ou coller à ce qui a été entendu de l’histoire de la personne qu’il représente ; par ailleurs, il n’y a pas besoin d’exagérer, de dramatiser les émotions ou d’y ajouter de ses propres pensées. Le représentant a simplement à s’abandonner à ses ressentis en prenant conscience que cela ne lui appartient pas.

Une autre difficulté que peut rencontrer un représentant est celle d’être réactivé dans sa propre histoire, dans ses propres émotions par les contenus qui apparaissent et de ne plus pouvoir discerner ce qui lui appartient de ce qui est du système représenté. Il est nécessaire de le signaler. le faciliteur fera en sorte que le représentant prenne conscience de l’identité qui est là et il “retirera” symboliquement cette identité, avec un rituel. La plupart du temps, cela suffit. Sinon, il remplace la personne ou lui adjoint un représentant ce qui permet la poursuite du travail. Cela n’a aucune incidence sur le bon déroulement du processus.

C’est évident qu’il y a des similitudes dans nos histoires, mais ce qui est  important de réaliser, c’est que nous pouvons nous identifier et nous désidentifier de toutes sortes de choses, une personne, un pays, un sentiment, un concept. Regardez comme les enfants font cela dans leurs jeux. Et si nous pouvons le faire, c’est que fondamentalement, nous ne sommes pas ce à quoi nous identifions, nous ne sommes rien de tout cela en Essence. Notre Nature Essentielle est autre. C’est ce que nous enseigne les voies spirituelles, notamment le Bouddhisme.

Beaucoup de personnes sont surprises de leurs capacités à ressentir en constellations, retrouvant ainsi confiance en elles et leur potentiel vivant. Être représentant devient une expérience riche qui facilite la compréhension des difficultés relationnelles, existentielles. Il est fort éclairant de représenter une mère face à sa fille non désirée si la personne a vécu cet événement de non-désir. C’est comme passer de l’autre côté de la barrière. Elle va alors accéder à des points de vue totalement ingorés jusque là.  C’est comprendre de “l’intérieur” ce qu’a pu éprouver une grand mère morte en couches, une aïeule assassinée, un homme démuni face aux duretés de la survie, un enfant avorté, un grand père mort à la guerre, un héros de guerre qui se sait aussi un bourreau, une femme dépassée par des maternités à répétition, un enfant abandonné, un père incestueux, un médecin devant sacrifier un enfant pour sauver la mère, une maladie, un pays, un secret, la mort, l’ordre ou la sagesse...

Expérimenter ces diverses manifestations de la Vie, ces multiples contenus de conscience élargit le champ de conscience d’une personne. Elle ne peut plus regarder les personnes et leurs comportements avec les mêmes points de vue. Elle a vécu des expériences profondes qui font tomber les jugements, les à-priori. Son regard devient plus tolérant, plus prompt à accepter ce qui est. Sa capacité à comprendre donc à aimer va croître. Elle est plus apte à ressentir de l’affinité pour les siens, son histoire et donc elle commence à se réconcilier avec elle-même et l'existence.

Être représentant, c’est apprendre à atteindre une situation, une émotion, une identité et à s’en retirer. Beaucoup de nos souffrances viennent du fait que nous restons collés aux situations dérangeantes, indésirables parce que nous y résistons, nous les refusons. Les constellations mettent en évidence ces intrications où, par amour aveugle et pour maintenir le sentiment d’appartenir au système,  nous nous sommes piégés dans les histoires, les personnages des autres.

Les constellations nous montrent aussi le chemin pour nous désidentifier, nous retirer “d’une place”  (il ne s’agit pas d’un rôle à jouer) que ce soit un violeur, un enfant mort, la connaissance ou la mort ou un immeuble. Nous nous identifions, enfants, de manière inconsciente ; c'est la façon dont les enfants apprennent l'existence. La constellation nous apprend à nous retirer de manière consciente et délibérée. Et si parfois, en fin de constellation, quelqu’un reste identifié, il suffit simplement de lui faire faire un rituel, en pleine conscience,  pour qu’il laisse à l’autre son histoire.

Ainsi les représentants améliorent-ils leur possibilité de vivre la fluidité du vivant. C’est l'ego, la personnalité qui a tendance à fixer les choses, les événements et s’opposent aux flux des expressions de la Vie, à l’impermanence.

Être représentant est un exercice spirituel où l’oubli de soi est nécessaire à l’émergence du Vivant, de l’Amour et du Soi.....
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :