Identification et Désidentification (3ème partie)

Publié le par Christinae Perreau

Désidentification

Plus l’intrication est forte, attractive, fascinante, plus il est difficile de se désidentifier. Nous devenons ce à quoi nous nous identifions, nous existons par cela, nous sommes cela.... même si ce n’est pas constant. Sauver maman, prendre la place du petit frère mort prématurément, autant d’intentions qui orientent notre attention, nos pensées,nos attitudes, notre existence, à notre insu. Ces identifications ont pris naissance dans notre toute petite enfance et nous les entretenons automatiquement et inconsciemment depuis 40, 50, 60 ans. Ce sont “des secondes natures” qui nous détournent de nos objectifs, de nos buts. Certes nous avons conscience de douleurs, de perturbations qui nous font chercher des solutions mais nous ne pouvons imaginer que la cause est une identification à un fantôme, par exemple (un mort exclu du système). Et dans nos recherches de solutions, nous perdons de plus en plus de vue le problème, l’origine de nos malaises, de nos symptômes. Nous ne pouvons faire le lien entre nos perturbations et les traumatismes qu’a vécu notre clan.
 
Par ailleurs, se désidentifier implique d’assumer une “mauvaise conscience” avec un sentiment de culpabilité, dûs au fait de laisser à chacun son histoire tout en prenant responsabilité pour sa propre existence. C’est l’enfant blessé plus que l’adulte logique qui a du mal à dire “je vois ta souffrance et la respecte mais je te la laisse même si je me suis construit avec.”. Il n’est pas rare dans un cas d’identification très active qu’une personne résiste à prononcer ces mots ce qui indique au thérapeute qu’il doit être vigilant et délicat pour amener la personne à aller vers une prise de conscience. C’est trop loin de sa réalité, dans une zone d’inconscience. Ou une partie d’elle a peur de devoir faire face à une douleur ingérable qui a déjà tant bouleversé sa vie. C’est l’indice d’un lien puissant qui lie, emprisonne.

Pour rendre ce détachement effectif, il est parfois nécessaire de faire plusieurs constellations avec des angles différents pour que le phénomène devienne réel pour la personne. Il est aussi utile de renforcer ce travail par un travail thérapeutique individuel. Notre inconscient personnel s’imbrique dans l’inconscient familial ; n’oublions pas que le petit enfant n’a pas d’autre choix que d’absorber les croyances, valeurs de sa famille pour survivre. Mais il y a aussi des causes individuelles qui font que nous confondons notre destin avec celui de nos aïeux. Ce sont 2 niveaux à distinguer et qui doivent être abordés de façon différente et complémentaire. Prendre  en compte les 2, va permettre un travail en profondeur qui aboutira à un soulagement durable.
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Si tout cela ne suffit pas, la personne peut avoir recours à des actions comme prendre une distance géographique et/ou affective. Se désidentifier n’est pas abandonner la personne ou ne plus avoir d’affinité pour elle ; c’est lui laisser ses torts, ses responsabilités, son destin et lui permettre de les assumer pleinement. Nous voyons souvent au cours d’un dénouement de constellation,  un parent se redresser,  retrouvant sa dignité après qu’un descendant lui ait rendu le fardeau dont il tentait de le soulager.

Mais si la relation à un parent est trop toxique, il est préférable de la couper de façon très concrète pour se protéger de façon temporaire ou définitive. Cela ne veut pas dire exclure la personne. Des mots comme “je te laisse avec cette blessure mais tu seras toujours mon père et pour ce qui m’a manqué, je m’en occupe” ou “pour le moment, j’ai besoin de temps pour revenir vers toi”. Des phrases comme “quoiqu’il se soit passé, tu resteras toujours ma mère” permettent à chacun de reconnaître le lien du vivant qui les relie tout en reconnaissant la problématique ce qui permet de prendre une distance.

Se désidentifier, dans un tel cadre, signifie que nous devenons conscients de vivre le destin d’un autre alors que çà ne correspond pas à un choix conscient et délibéré : de l’aveuglement nous passons à la lucidité. Nous réalisons que les traumatismes vécus par nos parents agissent sur nous. Nous réalisons l’inutilité de nos actions, attitudes, intentions et faisons le lien avec nos douleurs actuelles, nos échecs, nos propres sabotages qui vont parfois jusqu’à mettre en danger notre existence, créant ainsi de nouvelles perturbations  pour notre système et plus particulièrement nos enfants. Nous prenons conscience que notre mort, notre maladie, nos faillites ne répareront rien ni ne soulageront la douleur vécue par un membre de notre famille. Faire face à ce qui est, accueillir les traumatismes vécus par nos ancêtres permet de s’en retirer et d’intégrer ces histoires. C’est aussi faire le deuil d’illusions. C’est faire le deuil de la toute puissance du petit enfant. Seule la confrontation avec le conflit amène une prise de conscience qui nous sort de cette transe hypnotique dans laquelle nous étions. Et c’est évident que cela peut demander un peu de temps.

Pour en sortir, nous devons parfois utiliser des procédés qui grossissent la transe comme faire coucher la personne identifiée avec les morts afin de la réveiller, tellement elle est sous l’emprise aveugle de la conscience familiale, privée de son libre arbitre. Elle est enchaînée au clan et à ses pertes ce qui l’empêche de tisser un lien nourrissant où elle prendrait le bénéfice de la vie qui lui a été transmise, malgré tout.

(à suivre)

Christiane Perreau

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