La puissance destructrice des désordres systémiques (2ème partie)

Publié le par Christiane Perreau


Pour illustrer cette emprise du tissu familial, je vous livre quelques pans de mon histoire :

-     Il m’a fallu quelques années pour comprendre et dénouer tout ce qui s’était joué lorsque j’ai accouché de ma fille, alors que j’étais envahie, à mon insu, par les morts de ma famille qui avaient été oubliés, dont le deuil n’avait pas été pleinement fait. En investiguant les événements qui avaient pu dévaster ma lignée de femmes, j’ai découvert que mon arrière-grand-mère maternelle était morte quelques jours après avoir donné naissance à une fille en laissant orphelins, 2 garçons en bas âge dont un mourra dans les débuts de la guerre 14/18. Tout au long de cette grossesse, j’avais une joie mêlée d’inquiétude, notamment celle d’abandonner ma fille et je croyais que cela venait uniquement du manque de liens vécu avec ma mère . Cet abandon s’est produit malgré moi car cette petite fille dut être hospitalisée en pédiatrie, dans un lieu éloignée de la maternité, durant plusieurs semaines. Je rejouais inconsciemment l’histoire de rupture de lien avec ma mère et de perte d’enfant de mon arrière-grand-mère.

-     Mais ce n’était pas tout ; ma mère avait failli perdre sa propre mère d’une septicémie qui lui causa de graves séquelles, la handicapant jusqu’à sa mort ; ce fut un lourd traumatisme pour ma mère qui avait 10 ans alors et rentrait de l’école, hantée par l’idée de trouver sa mère morte. J’ai peu connu cette grand mère dont la famille avait honte, qui me faisait peur et qui est morte alors que j’avais 8 ans.

-     Ma grand-mère paternelle avait failli mourir en donnant naissance à son dernier fils ; le médecin l’avait condamnée et elle fut considérée comme une miraculée. Elle-même avait perdu son frère dans les débuts de la guerre 14/18 et cette mort avait été complètement occultée par la famille ; jamais ma grand-mère m’a dit avoir perdu ce frère que j’ai découvert, par hasard, lors de rangement de cartes postales, la dernière qu’il ait écrite à sa chère sœur, avant de disparaître.

-     Mes parents ont perdu une de mes sœurs, morte à 8 mois d’une maladie incurable ; en la perdant, je perdais aussi mes parents submergés par le chagrin, figés dans la mort. Donner la vie c’était risquer de la perdre…. Les ruptures de liens étaient comme inexorables. çà ne pouvait être autrement.


Ainsi se font les transmissions psychiques, d’inconscient à inconscient, que nous le voulions ou pas, que nous le sachions ou pas. Ainsi sommes-nous enchaînés à l’histoire de nos ancêtres qui constitue un terrain propice à certaines blessures personnelles comme le rejet, l’abandon, l’inceste, le suicide, la maltraitance, les morts prématurées violentes, la maladie. Cela persiste sur 4 ou 5 générations et s’estompe avec le temps.

Cependant en constellation tout comme en psychogénéalogie, nous sommes parfois obligés de remonter à 7 ou 8 générations pour prendre en compte, reconnaître un fait violent comme un infanticide, un meurtre, des suicides, des accidents, quelque chose de grave que nous ne pouvons pas exactement définir mais qui a causé du tort au système, par le refoulement, l’exclusion et soumet ses descendants à vivre des conditions indésirables. Une sorte de loyauté invisible les pousse à répéter, à dramatiser même, un événement tragique, une situation douloureuse pour être fidèles aux aïeux et à leur souffrance. Des deuils non faits, des morts oubliés, les hantent. Des dettes familiales les influencent négativement. Ces liens et mouvements invisibles deviennent visibles lors d’une constellation et permettent à un descendant de prendre conscience de ce qui est dit, inconsciemment :

-     je te suis dans ton malheur, dans ta maladie, dans ta mort
-     plutôt moi que toi, maman, je serai malade à ta place
... petite sœur, je mourrai pour que tu reviennes
-     je vais expier les fautes qu’un ascendant n’a pas assumées, je vais payer pour avoir survécu à un accident, je vais payer d’être né, je ne serai pas plus heureux que mon père déshérité ou ma sœur handicapée
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Nos ancêtres ont longtemps cru qu’ils étaient la proie de malédictions. Ils ne savaient pas que ces mémoires pouvaient être pansées par la communication, la compréhension et la simple reconnaissance de la souffrance ; certes, certains traumatismes demandent un travail approfondi d’intégration mais nous pouvons reconquérir  notre libre-arbitre, notre destin et sortir des répétitions, en nous désidentifiant des liens toxiques, en assumant nos responsabilités, en prenant notre « juste place » dans cette chaine des générations qui s’apaise alors, devenant une source de guérison, d’unité, de vie.


Suite au prochain bulletin...

 

 

Christiane Perreau

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